Pitchfork, c’est fini ? Le magazine va être absorbé par GQ
Le groupe de presse Condé Nast a annoncé la fusion du média Pitchfork avec le magazine GQ. Près de dix ans après le rachat du webzine musical par le géant médiatique américain en 2015, l’absorption de Pitchfork par la revue de mode masculine entraîne des craintes. Quant à l’avenir du webzine bien sûr, mais aussi celui de la critique musicale en général.
Adoré par les uns, détesté par les autres, Pitchfork s’est forgé une place indétrônable au sein de la presse musicale. Ses articles provocateurs (et parfois cinglants), ses critiques sans indulgence et sa capacité à encenser ou déglinguer certains projets en ont fait une référence mondiale. En plus d’être indépendant et audacieux, Pitchfork a également su se montrer créatif, comme en témoigne l’élaboration de son célèbre système de notation décimale, tout aussi attendu que redouté.
Bien que racheté en 2015 par le groupe de presse américain Condé Nast (The New Yorker, Vogue, Vanity Fair, GQ…), Pitchfork n’avait pas connu de changement majeur dans son organisation… jusqu’à ce que le géant médiatique annonce l’absorption de Pitchfork par les équipes de GQ, le 17 janvier dernier. La nouvelle a été annoncée par Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue et directrice artistique du groupe Condé Nast, dans un courrier électronique adressé au personnel. Par ce mail, les salariés ont été mis au courant de l’intégration de l’équipe de Pitchfork dans l’organisation de GQ mais aussi du licenciement d’une partie d’entre eux.
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Le jour-même de l’annonce, le syndicat des professionnels de l’information de New-York (NewsGuild of New York) et Pitchfork ont publié un communiqué de presse commun pour condamner les annonces de licenciements : « Nous sommes aux côtés des travailleurs de la musique de Pitchfork et de ceux qui ont perdu leur emploi. Condé Nast ne se soucie que du résultat net et est prêt à démolir l’une des publications musicales les plus connues pour vendre quelques publicités supplémentaires. »
OUR STATEMENT on layoffs at @pitchfork: “The reporters, editors, producers, researchers and all the people who make award-winning music journalism for Pitchfork, deserve better than to be treated like disposable parts,” said @susandecarava. pic.twitter.com/Rj4A9jE2MP
— NewsGuild of New York (@nyguild) January 17, 2024
Parmi celles et ceux qui quittent le navire Pitchfork, il y a la rédactrice en cheffe Puja Patel, à la tête du webzine depuis cinq ans. Dans une publication postée sur Instagram deux jours après l’annonce de restructuration, Puja Patel -dont la raison du départ, volontaire ou forcé, n’est pas connue- a fait part de son émotion et de sa reconnaissance envers Pitchfork et son équipe :
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Si l’absorption du webzine par GQ est décriée pour le licenciement d’une partie des salariés, elle provoque également des craintes liées au futur de la critique musicale. Les médias anglo-saxons se sont saisis du sujet pour faire part de leurs inquiétudes.
Le 18 janvier, The Guardian publiait un article intitulé “Pitchfork’s absorption into GQ is a travesty for music media – and musicians” (« L’absorption de Pitchfork par GQ est une mascarade pour les médias musicaux – et les musiciens »). Dimanche 21 janvier, le média ABC News s’inquiétait quant à lui de l’intégration de Pitchfork à une revue de mode masculine dans son article « Inside Pitchfork’s absorption into GQ: When ‘music media’ becomes ‘men’s media,’ what’s lost? » (« L’absorption de Pitchfork par GQ : Quand les ‘médias musicaux’ deviennent des ‘médias masculins’, qu’est-ce qui est perdu ? »)
Le passage de Pitchfork sous la conduite de GQ a donc de quoi soulever des interrogations. Le rachat du webzine -connu pour son indépendance et sa radicalité- par un gros groupe médiatique, puis son absorption par la presse lifestyle donc plus consensuel et sous le joug des partenariats/plans de com… Tout cela laisserait-il présager un point de bascule pour toute la presse musicale et son industrie ?