Sziget 2025, fresh touch et intérieur queer | LIVE REPORT

par | 13 08 2025 | live report

On était de retour à Budapest pour vivre les 3 derniers jours du Sziget Festival, cuvée 2025. Une édition à nouveau gigantesque et multi-artistique, avec un vent de fraicheur mais toujours les mêmes valeurs, de partage et d’inclusivité.

Les hommes mentent, pas les chiffres : du 6 au 11 août, 416 000 festivaliers ont foulé la désormais iconique île du Sziget Festival. L’événement s’étend sur six journées, ce qui donne une moyenne de quasi 70 000 visiteurs par jour. Colossal.

Pourtant, comme on l’avait déjà noté dans notre report à l’été 2024, on n’a jamais la sensation d’être oppressé par la foule, on ne se marche pas dessus… Il y a suffisamment de bars et de toilettes pour qu’on n’ait pas à faire la queue, ou quasiment jamais.

Programmation titan

Lorsqu’on arrive sur place, sont déjà passés : Justice, Charli XCX, Kid Cudi, Little Simz, The Kooks, Nelly Furtado, Theodora, Julien Granel et des artistes électroniques comme I Hate Models, Kenya Grace, 999999999, DJ Gigola, horsegiirL, Boris Brejcha, Cera Khin, Caribou, Ahadadream, Amélie Lens, Len Faki, ou Hot Since 82. Désolé pour l’énumération, elle n’est là que pour montrer l’étendue de la programmation.

Kneecap, qui a plusieurs fois (et clairement) affiché son soutien à la Palestine, a été déprogrammé à la suite d’une décision gouvernementale : le groupe Irlandais est interdit de territoire en Hongrie. Il sera remplacé au pied-levé par The Kooks.

Le festival est indépendant, alors pour construire chaque année une programmation titanesque, il faut trouver de l’argent. Toutes les scènes et les bars sont brandés : scène Revolut, Bolt Night Stage, Yettel Colosseum… Jusqu’aux immenses scènes Coca-Cola où se relaient des DJs enchainant des remixes illégaux, ambiance boite de nuit de 2015 dans le sud de la France : ce weekend on y a notamment entendu « Welcome To St Tropez » et l’affreux remix de « Sound Of Silence« .

Argent, trop cher

Parlant d’argent, on peut regretter que le Sziget soit inaccessible pour le public hongrois. Selon les organisateurs, le pourcentage de visiteurs locaux est en constante augmentation. Ah ? Sans doute les 2% les plus riches du pays, puisque le SMIC local est à 727 euros par mois (un peu plus 287 000 forints, la monnaie hongroise). Au-delà du prix du billet, sur place les tarifs sont élevés. La Hongrie subit l’inflation certes, mais payer 15 euros pour le moindre sandwich sans frites ni boisson, c’est non. Même les stands ‘budget’ proposent des mac’n’cheese pour 9€, ou une part de pizza pour 7 euros. Toujours non.

Seule la bière reste ‘abordable’, à environ 5 euros. Pas de Palinka ni d’Uniqum sur le festival, alors on s’est rabattu sur la Dreher Barack, bière légère aromatisée à l’abricot. Elle semble avoir eu du succès, au vu des amoncellements de canettes (c’est la tradition) qu’on a pu voir devant la scène électronique du Colosseum.

Le Colosseum © Sziget Festival

In electronic we trust

Comme l’an dernier, la programmation a laissé une place importante aux musiques électroniques. La preuve avec la mythique scène Colosseum, toute en bois et en lights, avec son booth en forme de tête de colosse ressemblant étrangement aux monstres locaux, les Busò de la ville de Mohács.
Le Colosseum a souvent été notre endroit-refuge, pour profiter de quelques sets flamboyants : Âme b2b Trikk, Sally C, Eliza Rose, nous ont accompagnés jusqu’au bout des nuits, tout comme Desiree, Estella Boersma ou encore FJAAK (qui se prononce toujours ‘fiak’, rigolo dis).

Malheureusement, tous les noms d’artistes à consonance douteuse ne peuvent pas toujours garantir une bonne prestation : preuve immédiate avec l’Italien Vomee.

Parmi les nouveautés du festival, il y avait la création du Delta District, avec plusieurs scènes 100% dédiées à l’électronique. Outre le Colosseum, on a trouvé un club en intérieur, mais également une mini-scène cachée, qu’on n’aura découvert seulement en ouvrant par hasard une porte de toilettes !

On aura également passé du temps devant la Bolt Night Stage, grand espace réservé à l’électronique ‘grand public’ : pour y voir la toujours fringante Ukrainienne Miss Monique, ses tracks EDM efficaces et ses superbes cheveux verts ; Mathame et Armin Van Buuren pour embraser l’assistance ; 1991 et ses remixes dnb de standards pop ; ou encore Hedex, l’un des geeks les plus énervés de la nouvelle scène drum n bass britannique.

Miss Monique © Sziget Festival

Grandes scènes, grandes prestations

L’électronique a étendu ses tentacules jusqu’aux autres scènes du Sziget. Par exemple en clôture de la scène Revolut -2ème Main Stage du festival, installée sous un immense chapiteau. Lundi soir, c’étaient les Berlinois de Brutalismus 3000 : merci Victoria et Theo pour la puissance hardstyle et pour ces éternels bangers que sont « Europaträume » et « Romantika », pas merci pour les lumières qui ont failli provoquer des crises d’épilepsie.

Les fougueux parisiens de Halfpipe Records étaient aussi présents à Budapest pour distribuer quelques bastos… Et Fat Dog a déchainé les passions, les pogos et les slams avec son punk infusion techno-rave, pour toutes celles et ceux qui avaient fait le très bon choix de préférer les Londoniens à Post Malone, jouant au même moment sur la Main Stage.

Côté belles découvertes, on a adoré la tendresse et les harmonies parfaites de Chartreuse, autant que la prestance magnétique de l’Australo-Sri Lankaise Ecca Vandal, voix puissante et droite sur du punk aux accents new-wave.

Deux prestations ont suscité beaucoup d’émotions, en tout cas pour nous. D’abord FKA twigs le samedi, qui a reproduit peu ou prou le même concert magique qu’on avait pu voir à We Love Green. Une démonstration de force pour couronner son excellent album EUSEXUA, accompagnée d’une armée de danseurs-danseuses contorsionné-es comme des serpents. Sa voix qui mêle Björk, Mylène Farmer et Madonna –tout ça en même temps- se pose sur des productions allant de la house à la drum’n’bass.

Ce show est fait de danse contemporaine, de voguing, d’envolées vocales irréelles et d’environ 15 tenues en 1 heure de concert (on exagère à peine). On est encore subjugués par le spectacle.

FKA twigs © Sziget Festival

Même constat pour Zaho de Sagazan, qui décidément nous fait toujours vivre des émotions folles : la native de Saint-Nazaire est arrivée à pas feutrés, pour progressivement délivrer un concert mémorable. Du mystique aux chansons délicates, c’est théâtral sans jamais être forcé, elle descend plusieurs fois dans le public pour chanter « Hab Sex » ou « Symphonie des éclairs », et le public chante fort (on rappelle qu’on est toujours au Sziget, à Budapest).

À partir de « Ne te regarde pas », l’ambiance change. Dans la fosse les corps se libèrent et accompagnent chaque kick. Sur scène ça devient acid, techno, dansant, surpuissant ! C’est parti pour 30 minutes d’électronique, seulement adoucies par la dernière chanson, sa reprise de « Modern Love ». Ce concert c’est l’exutoire que le public attendait. On a pleuré et transpiré, merci pour ça.

Zaho de Sagazan © Sziget Festival

Plus qu’un festival, toute une culture

Sziget est depuis longtemps attaché à l’idée d’un festival multiculturel et pluri-artistique. Dans la prog’ on a toujours le choix entre les formes d’art : installations, arts de rue, beatbox, battles de danse, de nombreux ateliers… Le cirque a eu un espace dédié cette année, le tout nouveau Paradox, avec sa fête foraine ambulante échappée d’une autre époque. En allant de scène en scène, on tombe sur des troupes de danseurs, des musiciens, des statues vivantes ou des monstres gentils. Bien plus qu’un festival, c’est toute une culture.

Une performance a arrêté le temps, en plein centre du festival dans un théâtre à ciel ouvert : celle de la compagnie espagnole Zenit, pour son ballet aérien. Une dizaine de danseuses tutoyant les cieux, harnachées les unes aux autres à 15 mètres du sol, enchaînent postures et figures poétiques. Le tout sur de la musique classique (entre autres, Max Richter réinterprétant les Quatre Saisons de Vivaldi).

Dans un tout autre style, on est régulièrement passés voir la scène dédiée au karaoke, pour voir un gros monsieur aux épaules poilues massacrer « Superstition« , ou entendre 150 personnes hurler « Gimme! Gimme! Gimme! » à s’en décoller le palais. Bonheur.

Zenit Aerial Ballet © Sziget Festival

Intérieur queer

Le cœur du Sziget depuis sa naissance c’est la contre-culture dominante. Et l’une des scènes les plus iconiques de l’événement, présente dès les premières années, c’est son Magic Mirror : un havre de paix pour la communauté LGBTQIA+, queer et toutes ses allié-es. C’est une scène en forme de cabaret, circulaire, sous un chapiteau fait de vitraux. On y a vu des talks (‘What If Gender never existed’), on a participé à des workshops (‘W*tches and F*gs) et surtout vu deux shows assez fous : d’abord The Queenz, troupe britannique de drag, toute en envolées lyriques, humour décapant et sequins, tous les soirs du Magic Mirror à la Main Stage.

Mais aussi le Markus Pabst’s Circus, introduit par un sublime « Good evening ladies and gentlemen, and of course all the people in between » : entre contorsionnistes à fouets, cracheuse de feu, une rolleriste suspendue par les cheveux, acrobates et pole dancers. Un vrai freak show conclu sur « I Fink U Freeky » de Die Antwoord. Soirée parfaite.

The Queenz © Sziget Festival

Parce que s’il fallait le rappeler, la Hongrie n’est pas une terre d’accueil pour la communauté LGBTQIA+. Bien au contraire. Le pays s’est progressivement durci, recroquevillé autour de Viktor Orban (au pouvoir depuis 2010) et de sa politique homophobe. La nouvelle constitution autoritaire de 2011 a marqué un recul très clair des droits des personnes LGBTQIA+ dans le pays, qui faisait jusqu’alors partie des bons élèves à l’Est sur ces sujets. Depuis 2020, les lois anti-LGBT se sont multipliées. En juin dernier, la marche des fiertés y a été interdite par les canaux législatifs : malgré son interdiction, la pride de Budapest a réuni plus de 200 000 personnes, créant une magnifique marée humaine. D’où l’importance immense du Sziget Festival, terre d’accueil et safe place pendant une semaine pour toutes les personnes concernées.


Et c’est ce qu’on retiendra toujours de nos passages au Sziget : le partage, culturel ou humain, les oreilles curieuses, les mains tendues, les interactions entre les gens, le grand spectacle sur scène et les câlins dans le public. Merci pour cette édition, on reviendra : prenez ça comme une promesse.


Pire moment : Post Malone, on est restés 3 chansons. Le décalage entre la dégaine de bandit et les chansons mielleuses infusées à la country n’a pas fonctionné sur nous

Meilleurs moments : Trop d’éléments pour faire un choix. Ce sera un top 5, dans le désordre : Zaho de Sagazan, Fat Dog, FKA twigs, le ballet aérien de Zenit, le set de Eliza Rose

Le Colosseum © Sziget Festival
Desiree © Sziget Festival
Main Stage © Sziget Festival