3 moments de musique dans le cinéma de Sean Baker
Le réalisateur américain Sean Baker a remporté la palme d’or du dernier festival de Canne pour sa nouvelle création « Anora ». Il y dépeint, comme à son habitude, l’univers des marges, au rythme d’une bande-son étourdissante. L’occasion d’un retour sur trois grand moments de musique dans sa filmographie.
Tangerine (2015)
Alexandra (Mya Taylor), prostituée transgenre, est sur scène dans un cabaret miteux de Los Angeles. Elle entonne avec une voix suave Toyland de Doris Day, accompagnée de quelques notes de piano, devant une salle presque vide. Comme le film est réalisé à l’iPhone, le grain de l’image donne l’impression d’une vidéo amateur, comme capturée par un ami dans la cohue d’une soirée.
C’est une parenthèse envoutante dans ce film rythmé et frénétique. « Childhood’s joy land/Once you pass its borders/You can ne’er return again (Le pays des joies de l’enfance/Une fois passé ses frontières/Tu ne pourras plus jamais revenir) » fredonne Alexandra, avec un air mélancolique. Une ode à l’enfance dans un monde enchanté, bien loin des quartiers délabrés de la Cité des anges.
The Florida Project (2017)
Moonee a tout juste 6 ans, et beaucoup d’énergie. Elle grandit dans un motel miséreux, élevée par sa jeune mère qui multiplie les combines pour se sortir de cette situation indigente. Mais la vie est pénible, et des tragédies ponctuent le quotidien. À la fin du film, Moonee n’en peut plus et s’enfuit pour retrouver son amie Jancy.
Alors, elles vont débuter une course effrénée, loin du monde des adultes qui n’est plus supportable. La séquence est rythmée par « Celebrate« , un morceau de Lorne Balfe, également compositeur pour de nombreux films d’action (Terminator, Mission impossible, Gran Turismo). Dans The Florida Project, le registre est différent, mais le compositeur intègre toutefois des tonalités épiques dans ce morceau au rythme progressif, qui accompagne la fugue des deux filles, la rendant terriblement entrainante.
musique
Red rocket (2021)
Ancienne pornstar, Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas, où il fait la connaissance de la jeune Suzanna Son, dite « Strawberry« . Les deux protagonistes se plaisent et finissent par coucher ensemble. Durant leurs ébats, Mikey aperçoit un piano et s’interrompt pour y jouer un morceau. Strawberry l’accompagne de sa voix, pour entonner une chanson qui s’adresse à son amant. L’occasion de lui adresser des reproches et de lui dire : « So now it’s time to leave / Bye, bye, bye (Maintenant il est temps de partir / adieu, adieu, adieu) ».
Il s’agit d’une reprise d’un morceau du même nom de *NSYNC, le célèbre boys band américain des années 1990. Dans sa version originale, il est très rythmée. Mais Suzanne se contente de copier la mélodie, tout en chantant avec une sensibilité à fleur de peau.
Dans le cinéma de Sean Baker, la musique donne vie à l’Amérique des marges, sensible, amère et parfois joyeuse. Nul doute que son nouveau film Anora (sortie prévue le 30 octobre 2024) réserve aussi de belles surprises musicales. En attendant, Tangerine, Red Rocket et The Florida Project sont projetés en salle durant l’été.