7 questions au festival Roscella Bay avant sa “Dernière Danse”
Après 10 ans de bamboche, l’équipe du festival Roscella Bay tire sa révérence avec “Dernière Danse”, son ultime l’édition. L’histoire se termine les 6, 7 et 8 septembre à la friche du Gabut, à côté du Vieux Port de La Rochelle, là où tout a commencé. Programmation mystère et gratuité d’accès, on a papoté avec Pierre-Louis Hirel et Paul Bonabesse, deux des fondateurs du Roscella.
Salut les gars ! Avant toutes choses, racontez-nous les prémices du festival. Comment a démarré l’histoire du Roscella Bay ?
Paul Bonabesse : On a lancé la première édition en 2015, mais le début de l’aventure s’est fait en 2013, avec le souhait de transformer le label Vitamin House en open-air.
Pierre-Louis Hirel : C’était un blog de musique électronique qui était tenu par des amis. Je suis très vite entré dans la boucle et on a développé l’événementiel en faisant des teufs à La Rochelle, Bordeaux, Bruxelles et Paris. Ça marchait pas trop mal, on était contents ! Paulo, lui, était avec Wake Up LR, une association similaire à la nôtre, mais avec plus de nuances sonores. L’idée, c’était de faire bouger La Rochelle avec de la musique électronique et du hip-hop. Rapidement, on s’est dit : “Faisons un truc ensemble !”
Paul Bonabesse : À l’époque, Pierre-Louis était l’assistant du programmateur de Concrete à Paris. Il a développé un réseau de dingue niveau bookeurs, DJ… Un aspect non négligeable pour défendre ce projet alternatif qui répondait à un besoin local. Le bras de fer avec la mairie de La Rochelle a démarré à ce moment-là. Après deux ans de discussions et de travail, on a obtenu l’autorisation pour le premier volet de Roscella Bay.
Pierre-Louis Hirel : Vraiment la première, on l’a faite, plus ou moins, de bric et de broc, avec surtout l’aide des copains, de la famille, des partenaires locaux, des commerçants… On a lancé la machine avec toutes ces forces vives, ça a été un vrai succès ! À tel point qu’à la fin du festival, on s’est dit qu’il fallait continuer sur cette lancée. Et on a recommencé le processus chaque année, toujours au mois de septembre.
Entre les changements de spots, le Covid-19 et l’annulation de l’édition 2023, quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Paul Bonabesse : Après avoir fait un Gabut (quartier collé au Vieux Port de La Rochelle, ndr) plein en 2017, on a été contraint de changer de site pour l’édition suivante à cause de petites frictions sonores avec des riverains. Par la suite, on a dû faire face à une mairie qui ne défendait pas le projet. Ce qui nous a demandé de redessiner les plans du festival, revoir nos budgets et nos systèmes de production.
En 2018, on s’est retrouvé au Bout Blanc, à côté du Mail (un quartier de La Rochelle, ndr). Encore une fois, on s’est heurté à une population assez sensible au bruit… Donc en 2022, on a de nouveau posé nos valises ailleurs, cette fois-ci au Technoforum (situé dans le quartier universitaire de la ville, ndr).
Pierre-Louis Hirel : Un lieu d’ailleurs pas du tout idéal pour la production d’un évènement. C’était immense, défraîchi et absolument pas sécurisé selon le millefeuille de contraintes imposé aux organisateurs de festival. Du côté festivaliers, ça a été l’apothéose de vivre le Roscella Bay dans un site aussi énorme. C’est l’édition qui a fait le plus d’entrées, soit 6000 personnes sur les trois jours. Un très gros chiffre pour un petit festival comme le nôtre. Par contre, ça a été une très grosse cartouche pour nos finances.
Paul Bonabesse : Tout en sachant que le Covid était passé par là. Le public était encore réticent à retrouver les événements de grande ampleur. Bien qu’on fasse jouer les artistes de Pedro Booking – société de production qui porte le projet de notre association – on a quand même senti la hausse des cachets de 25 à 30 %. Un craquage qui nous a incités à faire une édition 2023 un peu plus réduite et mieux maîtrisée.
Pierre-Louis Hirel : Une nouvelle fois, on s’est heurté à un refus de la préfecture concernant une autorisation de fermeture tardive de La Sirène (salle de concert où devait jouer une partie du line-up, ndr). Ça a totalement tué notre édition 2023. Le budget étant super fragile, on a préféré annuler les festivités.
Qu’est-ce qui vous a donc amené à baisser le rideau cette année ?
Paul Bonabesse : Le fait qu’on ne soit pas soutenu par les institutions publiques, ça a forcément joué sur le fait qu’on arrête aujourd’hui. Mais ce n’est pas la seule variable. On est vieux, certains ont eu des enfants et puis on travaille tous dans des boîtes qui fonctionnent plutôt bien maintenant.
Pierre-Louis Hirel : Nous avons beaucoup moins de temps à offrir. Toutes ces raisons cumulées font qu’on s’est dit : “Mettons un terme à cette histoire d’amour de la plus belle des façons plutôt que d’assister à son étiolement lent et douloureux.”
Paul Bonabesse : On s’est demandé si on n’allait pas faire grossir le concept vers des mini-Francofolies, sauf qu’on se serait trop éloigné de l’esprit copains et famille de Roscella. Ça aurait perdu tout son sens. C’est mieux de terminer en beauté, toujours avec l’ambiance de départ, en revenant là où tout a commencé, au Gabut.
Cette année, le festival est entièrement gratuit et accessible sur invitation. La programmation, elle, est totalement secrète. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le déroulement ?
Pierre-Louis Hirel : (rires) On ne va pas révéler les noms de la programmation ! Par contre, ce qu’on peut dire, c’est qu’il y aura des artistes qui ont marqué les éditions précédentes, des noms signés dans notre agence Pedro Booking, mais aussi des copains… Tout en suivant le modèle qu’on a toujours eu !
Paul Bonabesse : Il ne faut pas s’attendre à des têtes d’affiche parce que, sur ce dernier volet, ça n’aurait pas trop de cohérence. Vu que l’édition est gratuite, on sait qu’on va être blindé. Alors, le but, c’est de se faire purement kiffer, d’inviter les gens qu’on a envie de voir derrière les platines et/ou sur scène.
Pierre-Louis Hirel : On réinvestit le Gabut en montant une scène principale où il y aura du live et des DJ-set, et une autre, plus petite, qui sera dédiée aux copains. Comme d’hab’, on propose des foodtrucks, deux bars, des stands pour les associations locales… Et voilà, on va faire un petit village de potes, le temps d’un week-end.
Paul Bonabesse : En dehors du spot principal, on propose des afters à la Fabuleuse Cantine et le dimanche, on sera en mode boat party dans l’après-midi. On finira sur un soundsystem devant et dans la Fabuleuse Cantine avec quelques surprises. On va sabrer le champagne et dire au revoir comme il se doit !
Vous avez toujours proposé des programmations éclectiques et plutôt avant-gardistes. Par curiosité, comment les avez-vous construites ?
Pierre-Louis Hirel : Notre métier, c’est de découvrir des artistes en permanence. Que ce soit avec Pedro Booking ou de par nos expériences passées. On suit beaucoup de labels et on se fait beaucoup de sessions d’écoute, etc. Je pense qu’on a surtout un réel goût pour ça.
Paul Bonabesse : Moi je travaille pour la programmation de We Love Green et du Peacock Society Festival à Paris. On a tous baigné là-dedans d’une façon ou d’une autre. Dénicher des artistes, ce n’est pas vraiment une question de calcul, ça se passe plutôt au feeling.
Pierre-Louis Hirel : Je dirais que c’est dans le ventre que les choses se font. Du point de vue d’une programmation, on est toujours parti du principe qu’entre potes, mecs et meufs confondus, on aime écouter de la musique à longueur de journée. En gros, on a pensé un festival où on voulait écouter du son brésilien à 15h, du dub à 17h, du rap à 20h, de la techno à minuit…
Paul Bonabesse : En fait, le fil conducteur du line-up c’est : “Quelle est notre journée type idéale si on devait organiser une teuf avec tous nos amis, avec un budget alloué pour nous faire kiffer un maximum ?” Et du coup, c’est ça, c’est le Roscella Bay !
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Bon, c’est la dernière, c’est un peu triste. Mais, y aura-t-il une suite à Roscella Bay ?
Paul Bonabesse : Le format Roscella Bay, tel qu’on le connaît, s’arrête là. Mais le nom va continuer d’exister. On n’est pas à l’abri de sortir un petit événement de notre chapeau, un de ces quatre !
Pierre-Louis Hirel : C’est le troisième prénom de ma fille, donc ce nom va perdurer ! (rires) Mais le festival en lui-même, toute l’équipe a envie d’y mettre un terme. Ce qu’on a fait, c’était parfait à nos yeux. On ne veut pas arriver au point de mal faire les choses.
Avant de vous quitter, auriez-vous des souvenirs croustillants à nous partager sur les éditions précédentes ?
Paul Bonabesse : Olaaaaaaa ! On en a des milliers ! (rires) Je me souviens de la veille d’une édition dont Marcellus Pittman était le parrain. On s’était pris une énorme cuite avec lui dans les rues de La Rochelle avant même que le festival commence. C’était un truc de fou de pouvoir vivre une soirée à boire et bouffer des huîtres avec un des pionniers de la house de Detroit.
Pierre-Louis Hirel : De mon côté, la première édition m’a marqué à vie parce qu’on était môme. On s’était dit qu’on l’avait fait ! Je me souviens du concert de clôture du festival avec les What’s The Funk?!, un groupe monté par nos potes. C’était le dimanche devant tous nos parents, nos copains… J’avais l’impression d’être vraiment entré dans l’âge adulte ce jour-là ! Dans ma carrière de producteur et dans la musique en général, il y a eu un avant et un après. On se prenait tous dans les bras en pleurant, c’était au-dessus de la réalité… J’en frissonne encore.
Pour chopper votre invitation, c’est ici que ça se passe ! On vous conseille de vous dépêcher parce qu’elles partent (assez) vite !
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