Skip to main content
© Aaron - Pauline spinning records at Lovin Cup | Flickr
28 avril 2025

« Les réseaux sociaux comptent plus que la musique » pour 2 DJs émergents sur 3

par Siam Catrain

Lors de l’International Music Summit (IMS) à Ibiza, une recherche menée par la Pete Tong DJ Academy a été dévoilée. 61 % des DJs émergents, soit près de 2 sur 3, s’accordent sur le fait qu’aujourd’hui « les chiffres sur les réseaux sociaux comptent davantage que les compétences musicales ».

La grand-messe de la musique électronique a pris fin ce week-end. Les 23 et 24 avril se sont réunis tous les pontifes de la musique électronique à l’IMS pour partager réflexions et réalités sur la culture et l’industrie musique. Parmi tout ce beau monde, on retrouvait les équipes de la Pete Tong DJ Academy, dont son PDG Alex Tripi, qui a tenu une conférence pour présenter les fruits de leurs dernières recherches.

 

À lire sur tsugi.fr : Des cours de DJing avec TSHA, Carl Cox, Jamie Jones : merci Pete Tong !

 

Cette étude, a tenté de dresser un diagnostic via un panel de 15 000 DJs et producteur·ices sur la porosité de l’industrie et son accessibilité pour ces nouveaux artistes. Sujet de préoccupations depuis son apparition, les réseaux sociaux ont été le nerf de la guerre de cette recherche. Le résultat ? Il est sans appel. Les réseaux sociaux sont devenus un incontournable de la musique électronique et du rêve de, peut-être un jour, « percer ».

Finies les prestations remarquées dans les clubs locaux. Aujourd’hui, 61 % des artistes émergents s’accordent sur le fait que les résultats des audiences sur les réseaux sociaux valent davantage que les compétences derrière les boutons des platines. Difficile de trouver sa place dans les clubs : 62 % d’entre eux pensent d’ailleurs que « l’industrie de la musique électronique est un club fermé ». Il faut donc trouver des alternatives.

 

Followers, vues, likes : malaise de l’industrie

Sous la lumière des strobes et la petite LED rouge de la caméra se cache un malaise profond. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer la carrière d’un DJ sans la caisse de résonance des réseaux sociaux. Mais à quel prix ?

Pour beaucoup d’artistes, l’ascension sur Internet se paie au prix fort : la visibilité attire autant les projecteurs que les tirs croisés. 52 % des personnes interrogées ont déclaré « avoir souffert d’anxiété ou d’épuisement ».

Certes Facebook, Instagram ou SoundCloud peuvent propulser un artiste hors de son cercle local, connecter fans, labels, promoteurs. Mais cette exposition permanente, cette sur-sollicitation numérique, ajoutées aux réalités rudes du métier — isolement, nuits sans fin, déplacements incessants — finissent par fragiliser jusqu’aux plus solides. 31 % ont envisagé « d’arrêter complètement la musique au cours de l’année écoulée ».

 

Nouvelles pratiques et réalités du DJ-ing

Cette question n’est évidemment pas nouvelle. Pour Mixmag en 2018, Ben Pearce, producteur et DJ britannique, ne mâchait pas ses mots : « Les réseaux sociaux sont toxiques. » En 2016 il suspendait sa carrière pour préserver sa santé mentale. Ironie douce-amère : l’annonce de son retrait, postée sur Facebook, a été vue par 1.8 million de personnes — révélant à la fois l’ampleur du problème et la soif de dialogue bienveillant.

Pour les femmes et les minorités, l’utilisation des réseaux sociaux est d’autant plus important, mais le jeu est bien plus risqué — en vaut-il la chandelle ? En 2016, lors d’une édition de Boiler à Paris, la productrice écossaise Nightwave subit en direct des attaques misogynes. La vague de haine la pousse jusqu’aux crises d’angoisse, presque à l’arrêt total. On imagine aisément la pression de jouer sur cette plateforme, mais elle est tout aussi inquiétante quand on sait que tout est filmé et qu’elle devient la carte de visite de l’artiste.

Elle trouvera, après beaucoup de travail intérieur, une résilience nouvelle : « Finalement, cette épreuve m’a poussée à me reconstruire spirituellement. Mais à quel prix… »

 

Quantifier sa valeur à travers des likes, des vues, des commentaires… Voilà une spirale infernale que dénonce aussi la DJ techno, Rebekah. L’obsession des chiffres éloigne du cœur du métier : la création, l’émotion brute, le partage d’une vision artistique. « Ce besoin d’approbation permanente dénature notre lien à la musique », lâchait Rebekah pour Mix Mag.

À lire sur tsugi.fr : Docu : Carl Cox, Annie Mac et bien d’autres parlent de l’influence des réseaux sociaux sur la culture club

 

S’il dénature l’essence du DJ-ing, il lui donne aussi un nouveau parfum. Récemment TSHA, l’une des mentors de la Pete Tong DJ Academy, dénonçait via une story Instagram, la douleur que l’invisibilisation des plateformes pouvait créer chez elle.

Malgré un travail chronophage, certains posts fonctionnent, d’autres pas du tout. De cet algorithme qui semble aléatoire, de nouveaux écueils du métier apparaissent : se comparer sans cesse aux autres DJs, scruter la performance des posts, souffrir de l’invisibilité temporaire ou de la moindre baisse de popularité. Autant de douleurs sourdes que la scène électronique peine encore à regarder en face.

À la fin de cette conférence, une question reste en suspens : comment l’industrie peut-elle réguler ces espaces d’expression pour que les artistes ne se débattent pas seuls avec leurs blessures numériques ?

 

À lire sur tsugi.fr : On a testé… edjing Mix, l’app de DJing la plus téléchargée au monde

 

Visited 183 times, 2 visit(s) today