EXIT 2025, dernière en Serbie comme acte de résistance

par | 16 06 2025 | news

© Lav Boka – Exit Festival Photo team | prise sur le compte Flickr du festival

Le festival serbe EXIT annonce sa dernière édition en Serbie. Un deuil et une lueur d’espoir pour le monde de la culture du pays.

Vingt-cinq ans après sa naissance sur les bancs de l’université de Novi Sad, le festival EXIT s’apprête à tirer sa révérence en Serbie. L’édition 2025, prévue du 10 au 13 juillet, marquera non seulement un quart de siècle de musiques électroniques, d’engagement et de nuits survoltées au bord du Danube, mais surtout la fin d’une époque. Dans un communiqué publié mi-juin, les organisateurs ont annoncé que 2025 sera leur dernière édition sur le sol serbe. La cause ? Des pressions politiques croissantes et une asphyxie de la sphère culturelle.

D’un mouvement étudiant à un géant musical

Fondé en 2000 par une poignée d’étudiants militants contre le régime autoritaire de Slobodan Milošević, EXIT s’est imposé en deux décennies comme l’un des plus grands festivals d’Europe, avec sa mythique Dance Arena blottie dans les remparts de la forteresse de Petrovaradin. Bien plus qu’un simple rendez-vous festif, EXIT a longtemps été un symbole de reconstruction démocratique, un laboratoire de coexistence régionale et une plateforme d’expression libre au cœur des Balkans.

Mais le vent a tourné.

Novembre 2024, le choc de trop

Tout bascule en novembre 2024. Le toit de la gare de Novi Sad s’effondre. Quinze morts. Deux blessés graves. Très vite, l’enquête pointe une corruption généralisée dans l’attribution des marchés publics. Des milliers d’étudiants descendent dans les rues, accusant le gouvernement de négligence criminelle et réclamant la démission du président Aleksandar Vučić.

EXIT, fidèle à ses racines, se joint au mouvement, publiquement et sans équivoque.

« Depuis que nous avons exprimé notre solidarité avec les étudiants de Serbie dans leur combat pour une société plus juste et plus libre, nous sommes devenus la cible d’une répression systématique », explique Dušan Kovačević, fondateur du festival. Résultat : suppression totale des subventions publiques, ruptures forcées avec certains sponsors historiques, pressions indirectes et ostracisme croissant.

Dans un pays où la scène culturelle est de plus en plus muselée, la prise de position d’EXIT n’est pas passée inaperçue. Plusieurs clubs emblématiques — Drugstore, Karmakoma, Club Tunnel ou Klub 20/44 — ont, eux aussi, affiché leur soutien au mouvement étudiant.

Une dernière édition comme acte de résistance

L’édition 2025 est donc chargée d’émotion et de sens. Elle réunira des artistes comme ¥ØU$UK€ ¥UK1MAT$U, Ogazón, KI/KI, DJ Gigola, ainsi que de nombreux musiciens et performeurs européens venus célébrer une dernière fois la communion du son et de l’engagement dans l’enceinte de la forteresse.

« Ce sera notre édition la plus intense, la plus politique, la plus libre. Un adieu qui n’en est pas un : un passage de flambeau », affirment les organisateurs.

La campagne de financement participatif qui l’accompagne, vise à assurer la continuité du projet à l’étranger. Probablement hors des frontières serbes, dans un pays où ses valeurs pourront perdurer sans être censurées.

« EXIT n’est pas qu’un festival. C’est un acte de foi collectif, une croyance partagée que la musique peut changer les choses. »

Si EXIT quitte la Serbie, c’est toute une génération qui perd un espace de respiration, de contestation et de création. Le départ du festival sonne comme un avertissement : l’espace culturel en Serbie se rétrécit sous les coups du pouvoir qui instrumentalise les financements publics pour étouffer les voix dissidentes. Mais c’est aussi, paradoxalement, un moment de vérité : celui où la musique réaffirme son rôle de contre-pouvoir, de témoin, de passeur.

À Petrovaradin, cette dernière danse ne sera pas un enterrement. Ce sera une lueur dans la nuit.