Festival Musica 2024 : l’expérimentation à la néerlandaise
Pour sa 42e édition, le Festival Musica à Strasbourg met à l’honneur la musique contemporaine et électronique néerlandaise à travers une large programmation de concerts et de lives du 20 septembre au 3 octobre. Nous avons répondu présents pour son week-end d’ouverture, on vous raconte !
On l’admet, notre arrivée à Strasbourg était on ne peut plus cliché. Une fois les bagages posés, on s’est directement installés pour dévorer une tarte flambée, supplément été indien. Des conditions plus qu’optimales pour l’inauguration de la 42e édition du Festival Musica qui se déploie du 20 septembre au 3 octobre dans quinze lieux de la ville. Musica a acquis une réputation d’envergure internationale pour son angle sur les musiques contemporaines – courant né à partir de 1950 – et expérimentales. Sous la coupe de Stéphane Roth, son directeur général, veut ‘amener son public vers toujours plus d’éclectisme et créer des ponts entre les différentes communautés d’écoute’.
C’est avec ce leitmotiv que le festival promeut cette année la scène musicale néerlandaise en partenariat avec Nord Sonore et Performing Arts Funds NL. Notre parcours a débuté au Maillon, surnommé à raison ‘le cube noir’. Cette salle de théâtre est dotée d’une hauteur sous plafond immense et d’un minimalisme poussé à son paroxysme… sans pour autant tomber dans la froideur brutaliste. En son sein, nous avons notamment découvert deux œuvres majeures du compositeur Louis Andriessen, décédé en 2021. De Staat (L’état de musique) explore les rapports complexes qu’entretiennent musique et politique, tandis que De Volharding (La Persévérance) porte le même nom que l’ensemble à vent qu’il a créé aux côtés du saxophoniste Willem Breuker.
Mais avouons-le, notre attention était rivée vers la petite salle du Maillon accueillant le format de soirée chapeauté par Rewire, un festival basé à La Haye. Souvenez-vous, Musica veut diversifier son public et aussi (et surtout) attirer les plus jeunes générations. La première soirée s’est ouverte sur le duo électronique No Plexus. Un live intimiste où on s’est laissé guidé par la voix subjuguante de la chanteuse et par un mapping ensorcelant.
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Coup de cœur pour Aho Ssan. Remarqué après la sortie de son premier album Simulacrum, on le retrouve comme à son habitude aux côtés de ses propres instruments numériques et de l’artiste visuel Sevi Iko Dømochevsky. Adepte d’une musique puissamment sombre, brutale où le chaos est maître, on a été bluffé par l’osmose créée entre la vidéo et la musique. Ne le loupez à l’HyperWeekend festival à Paris. Et après la performance quelque peu déconcertante de Ziúr animée par des vidéos un peu obsédées par les orifices (oui, oui) est arrivé Kode9. ‘Bien sûr que je suis venu pour Kode9, c’est fou qu’il passe à Strasbourg !‘ avons-pu entendre à de multiples reprises.
Figure incontestée de l’électronique, pionnier entre autres du dubstep, on doit au DJ-producteur écossais le label Hyperdub. Son set était jonché de tracks dubstep (évidemment) très fédérateurs et de titres plus étonnants rappelant l’eurodance. Bref, une grande bouffée d’air frais grâce à laquelle le public est sorti d’un état statique général pour danser sans interruption. Une belle émulation collective appréciée par les jeunes, mais pas seulement : ‘Une habituée âgée de plus de 90 ans s’est rendue à son set et a adoré ! Elle a ensuite prévenu ses petits-enfants, ils étaient super contents !’, raconte tout sourire Stéphane Roth.
Musica : la musique expérimentale en vedette
Samedi, changement de décor. Exit le cube noir. À peine arrivés sur le parvis de l’Église réformée de Saint Paul, l’inscription Rewire en néon rose nous saute aux yeux. À l’intérieur, bancs et autel ont été retirés, à la place, une myriade de fils, de synthétiseurs et d’instruments croulent sur le sol. Si les plus chanceux ont récupéré à temps des coussins, d’autres ont dû se contenter de la moquette pour apprécier cette soirée, car oui, la danse n’avait pas sa place.
Si la veille, on attendait avec impatience de bousculer nos muscles endormis sur la piste, on doit dire que cette proposition nous a autant ravi qu’étonné. Allongés et quelques fois assoupis, les participants ont pu se délecter du concert d’Abul Mogard. Homme auréolé de multiples mystères sur sa vie et son ascension dans l’ambient, ce cadre froid et mystérieux lui allait parfaitement. Plongé dans une pénombre rompue par quelques spots lumineux dessinant les contours des vitraux, le Serbe présentait avec la compositrice italo-néerlandaise Grand River leur dernier album : In Uno Spazio Immenso.
Un live hors du temps où l’on distingue les tonalités profondes et sombres familières du travail d’Abul Mogard, mais qui cette fois-ci sont rehaussées d’une très belle progression. On s’est ensuite laissé surprendre avec la performance de Thomas Ankersmit, un live entièrement conçu à partir de signaux électriques analogiques. Le temps d’une heure, on plongeait dans le cœur de son synthétiseur Serge, décortiquait les crépitements, les bruits métalliques et autres bizarreries sonores.
C’est sur ce live que nous quittons l’église et le festival. Une ultime soirée qui nous a donné à voir une fois de plus le potentiel de la scène musicale néerlandaise. Musica parvient à décloisonner son public d’habitués du carcan quelque peu rigide de la musique contemporaine pour l’amener vers des chemins plus escarpés de la musique… Jolie prouesse.
Meilleur moment : Le set de Kode9, évidemment…
Pire moment : On reste perplexe face au live de Ziúr et à la multitude d’orifices faisant office de visuels…