AvecStress Killer, son enthousiasmant troisième album, le saxophoniste Léon Phal montre qu’en matière d’influences house ou hip-hop, le jazz français n’a rien à envier à ses confrères britanniques. Mais quelles sont les sources d’inspiration de ce futur classique? Quelques éléments de réponse.
Article issu du Tsugi 166 : Irène Drésel : Que fleurisse la techno !
DISQUES
The Gladiators –Dreadlocks The Time Is Now (1990)
« Ça me ramène aux voyages en famille, quand on partait à cinq pour les vacances dans la Ford Mondeo break, pour aller voir ma grand-mère en Italie. On n’écoutait que du reggae. Des compilations que nous faisait le copain de ma sœur de l’époque. Les mélodies, les compositions, le grain du mix, cet album m’a marqué. Mais plus tard, en apprenant l’anglais, j’ai découvert aussi l’impact des paroles. Je n’ai jamais laissé tomber cette musique. Je joue même toujours dans le groupe de reggae The Sons Of Africa, avec qui j’ai fait mes premiers pas. On se produit peu en concert, mais on a sorti pas mal d’albums. »
The Producer’s Workshop Ensemble – The Producer’s Workshop Ensemble In Japan (2022)

Holy Hive – Holy Hive (2021)
« C’est un album parfait car il n’y a aucune chanson que tu as envie de sauter. Il possède une énergie constante. J’ai découvert Holy Hive avec leur premier album Float Back To You qui est très joli, mais un peu passe-partout. Celui-ci est plus réfléchi, avec des paroles plus profondes. C’est produit par Leon Michels, qui est saxophoniste comme moi, et qui les a signés sur son label Big Crown Records. J’achète systématiquement ses sorties. Il y a trop de similitudes entre nous pour ne pas se connaître. En fait, je lui écris tous les jours, mais il ne m’a pas encore ni répondu ni bloqué. (rires) »
Foshe & Bentley – Parlour Cucina (2021)

FILMS
Akira Kurosawa – Dersou Ouzala (1975)
« Ma mère était très branchée cinéma. Ma grande sœur est d’ailleurs devenue réalisatrice. Très jeunes, on avait vu tous les Kurosawa. Celui-ci m’a beaucoup marqué. Il m’a fait sortir toutes les larmes de mon corps. Quand j’étais petit, je voulais tout le temps le revoir. C’est l’histoire de Dersou, un chasseur très ingénieux qui joue le rôle de guide pour des topographes russes dans la taïga. Cela raconte un peu la violence de la modernité qui, comme toujours, balaie notre passé. »
Clint Eastwood – Un frisson dans la nuit (1971)

« Son premier film en tant que réalisateur. Le scénario est super flippant parce que cette histoire de possessivité qui glisse vers la folie peut arriver à tout le monde. La progression dans le scénario est incroyable. La BO est aussi dingue et c’est d’ailleurs un peu pour cela que je l’ai sélectionné. On peut même voir un extrait d’un concert de Cannonball Adderley au Montreux Jazz Festival. Je suis devenu fou devant ma télé. C’est un jazzman que j’écoutais beaucoup. »
Albert Dupontel – Bernie (1996)

LIVRES
Alain Damasio – La Horde du Contrevent (2004)

« Il possède un style très perturbant. Il parle de l’humain, mais avec des chemins de traverse très complexes. C’est vraiment quand tu as fini le livre que tu comprends de quoi il s’agit. J’aime beaucoup la science-fiction pour sa manière d’évoquer l’humain à travers l’imaginaire. J’avoue que j’ai mis pas mal de temps à terminer La Horde du Contrevent. Damasio commence vraiment en te coupant l’herbe sous le pied. Si tu arrives à aller au-delà des dix premiers chapitres, c’est bon, tu vas aller au bout. »
Isaac Asimov – Les Robots (1967)

Paolo Cognetti – Les Huit montagnes (2017)

« L’histoire d’une amitié qui démarre dans les années 1970 dans les montagnes italiennes des Alpes pennines, entre un paysan et un fils de chimiste. C’est bouleversant. Ces deux amis sont comme le yin et le yang. L’histoire de chemins de vie qu’on s’impose pour notamment gagner de l’argent et que l’on regrette ensuite car c’est une privation de liberté. Il faut retenir aussi de ce livre l’appel de la nature. »
SON DISQUE
Stress Killer (HEAVENLY SWEETNESS)

« Quand j’ai commencé à travailler sur ce disque il y a deux ans, je ressentais beaucoup de stress. Pourtant tout allait bien dans ma vie. Mais le troisième album dans la carrière d’un artiste, c’est un peu un pilier, un moment charnière, donc j’étais en train de me mettre une pression de dingue. J’en ai parlé avec les musiciens du quintet qui sont très importants dans le projet, même s’il porte mon nom. Et ils m’ont dit: ‘Arrête de te prendre la tête, apporte-nous tes maquettes.’ On a donc commencé à travailler là-dessus et leur retour m’a rassuré. Ce n’était pas trop pourri. (rires) Au final, je suis très fier de cet album et de son titre très justifié. S’il est assez dansant, c’est qu’il reflète mon environnement. Je vais de plus en plus souvent dans les clubs. La musique que l’on écoute est très dansante, c’est à la fois du hip-hop et de la house. Notre son représente la fusion de tous ces univers. J’avais aussi la volonté de faire une sorte de pied de nez au jazz UK, parce que tout le monde ne jure que par ça, mais ce ne sont pas toujours des musiciens très doués, même si leur style est très beau. Je voulais montrer que le métissage en France est tout aussi pertinent que chez eux. »
En concert à Paris le 25 janvier au New Morning !






























