Rock En Seine, bamboche magistrale de 5j à Saint-Cloud | LIVE REPORT
182 000 festivaliers, 92 concerts en tout Porte de Saint-Cloud… Record historique de fréquentation pour Rock en Seine, grand-messe parisienne juste avant la rentrée. Marée noire de monde, le rock sous toutes les coutures et pas que. Claques musicales, émotion, douceur et pogo-bagarre, on vous raconte nos 5 jours et nos coups de coeur.
Rock en Seine aura eu la peau de nos cuisses-tibias-genoux et dézingué les semelles de nos godasses. Mais il a surtout su nous en mettre plein la vue avec une prog teintée rock (forcément) en nous baladant aussi vers d’autres contrées sonores, ces cinq jours. Comme l’an dernier, cette 21e édition a réitéré l’expérience d’un premier soir exclusivement féminin (parité au top). En ramenant Lana Del Rey, tête d’affiche ultime de cette première soirée, Rock en Seine avait déjà tapé fort. Accompagnés de Pomme, Yoa, Nell Mescal ou encore Rachel Chinouriri, on s’est replongé dans nos années teenage dream le temps d’un tendre premier soir.
Notre ado intérieur, touché en plein coeur
Entendre et voir Lana Del Rey en personne, ça n’arrive pas tous les jours. On s’attendait à ce que la chanteuse sadcore arrive à moto, comme à Coachella, mais elle n’en a rapporté que le décor : soit une sorte de cathédrale baroque revégétalisée. Sur ‘Without You’, ‘Video Games’ et ‘Ride’, on a failli rappeler notre premier amour et verser une larme. Voilà l’effet Lana. Un peu déçu de savoir qu’elle est apparue sous forme d’hologramme sur l’un de ses morceaux.
Dans un registre sans aucun doute plus rock, Offspring a ravivé la légende et éveillé les pogos. ‘The Kids Aren’t Alright’ nous a fait redevenir des sales gosses en quelques minutes. Un bien fou. De leur côté, les Pixies (programmés à la dernière minute en lieu et place de The Smile) nous ont joué en scène Cascade leur ‘Where Is My Mind’ qui réunit définitivement les générations.
On a entendu (de loin, à notre grand regret) ‘Here Comes Your Man’ au même moment où Barbara Butch passait la flamme olympique à l’athlète paralympique Hélios Latchoumanaya. Gros fou rire lorsqu’un festivalier, super confiant, lui a crié “elle est où ta guitare” dès son arrivée sur la grande scène.
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Grandes claques et grosses bagarres Rock
Bastos ultime devant la performance de LCD Soundsystem, sûrement notre plus gros coup de cœur de cette édition. “Ce concert-là, il rentre dans mon top 10 des meilleurs que j’ai pu voir de toute ma vie ” nous a même confié Luc de Tsugi Radio. Et on est du même avis. La grosse boule disco au-dessus de la scène, leurs rythmes plus cinglés les uns que les autres et leurs notes de synthé super naïves : tout était là pour nous éblouir. Le public a switché vers un instinct animal. Jubilatoire. ‘I Can Change’, ‘Someone Great’, ‘Home’ et ‘Dance Yrself Clean’ nous ont hypnotisés, ambiance chamanisme.
En même temps, on est passé voir le set du DJ-producteur français Canblaster : même s’il a joué devant un petit comité (le reste des festivaliers étant devant LCD Soundsystem), il a tracé tout en technique un joli parcours jungle-drum’n’bass-trance-hardcore-acid.
Côté scène Bosquet, c’était l’osmose parfaite entre Bolis Pupul et Charlotte Adigéry (passés quelques heures avant au micro d’Antoine Dabrowski pour la Tsugi Radio). Leur projet commun ne cesse de nous séduire, tant pour le côté chanté-parlé de Charlotte que pour la folie techno bidouillée de Bolis.
Le passage des Psychotic Monks s’invite dans nos sets préférés du weekend. Les quatre compères sont arrivés d’un pas ferme et engagés en prononçant un discours de soutien pour le peuple palestinien. Ils se sont ensuite déchainés dans un climat mystérieux, voire lugubre avec leur punk progressif et tranchant. On adore.
Aussi revendicateur, Massive Attack s’est aussi positionné pour la cause palestinienne, mettant également en lumière les nombreux autres conflits (dont la guerre en Ukraine). Comme d’habitude, le travail scénographique est bien ficelé. Toujours accompagné de guest tel qu’Elizabeth Fraser ou encore Horace Andy. Ils ont calmé l’assemblée avec ‘Teardrop’ et nous, on a plané à 10 000 avant d’aller voir 2manydjs.
Les frères Deawele (passés sur la même scène Cascade avec Soulwax la veille de leur djset) ont offert un show cataclysmique ! Encore une grosse claque qu’on s’est mangé samedi soir. On n’en avait pas eu assez avec leur concert sous la formation Soulwax, devant lequel on a été plus impressionné par leurs machines hybrides et leurs trois batteries montées sur échafaudages. (Oui, trois batteries). Fou.
Nous avons poncé le dancefloor et pas mal apprécié cette animation avec les noms des pistes qu’ils passaient (shazam peut se rhabiller). Si vous avez entendu des voix cassées sur ‘Pump Up The Jam’ de Technotronic, c’était les nôtres. Assurément.
La joyeuse bande d’Astéréotypie était bien présente avec leur énergie débordante ; on a pogoté sévère devant Frank Carter & The Rattlesnakes, supplément chanteur dans la foule ; Zaho de Sagazan nous a joué ‘Modern Love’, sa reprise de David Bowie, avant de nous embarquer dans une mignonne techno-teuf géante en milieu d’après-midi dominicale.
L’estomac crie famine, on choppe un sandwich raclette à côté de la grande scène où jouait The Kills. Bon vieux rock à l’ancienne, même en mangeant, on a tapé du pied. Vient le moment où on s’est tous rués pour “essayer” d’être bien placé devant Fred again.. Vu le monde, mission laborieuse.
L’artiste arrive avec un immense sourire aux lèvres, la foule se met au diapason. Quelques tracks du nouvel album (qui arrive le 6 septembre prochain) d’une sensibilité fine. Des platines au piano, Fred again.. montre ses talents de musicien et gère les intensités. Grand show.
Sex symbol et drama queen : Ambiance Girl Power Rock
Impossible de rater la venue de Bonnie Banane, dira-t-on ‘Capitaine Bonnie’ et son attirail de pirate des temps modernes, chapeau sur la tête et maillot de foot noir et rouge de Tijuana. Niveau badass et nonchalance, la jeune femme sait y faire, notamment sur son titre ‘Franchement’.
On ne voulait pas manquer d’entendre la voix maboule de Beth Ditto, chanteuse du groupe Gossip, qui s’est présentée en body noir à strass hyper sexy. Elle n’hésite pas à couper le concert pour papoter avec son public (ils ne s’appellent pas Gossip pour rien ceux-là) pendant dix minutes. On a dansé sur ‘Love Long Distance’ et bouzillé nos cordes vocales sur ‘Heavy Cross’.
Róisín Murphy se l’est jouée “fashion victim” en adoptant cinq, six tenues de scène différentes. Musicalement, tout est carré, millimétré. Normal, Róisín s’affiche toujours rayonnante et tarée, avec une voix de dingue (et un bébé momifié dans les bras).
Une artiste qu’on aime beaucoup chez Tsugi et que l’on aurait loupé pour rien au monde, c’est Yoa. Elle plante le décor en évacuant direct ‘Matcha Queen’ dans sa robe blanche écarlate. On a sauté, décalé le bassin, twerké (on a essayé, du moins) et on a fini par chanter à tue-tête le refrain de son titre ‘Nulle’. Le tout agrémenté de quelques kicks libérateurs, pas pour nous déplaire.
Séquence émotion, magie et corde sensible
Le monde champignonesque de Pomme est toujours envoûtant, beau, poétique. Vague de frissons lorsqu’elle commence avec ‘Nelly’, larmichette sur ‘Anxiété’ qui à sûrement parlé aux nombreux angoissés présents dans cette horde de festivaliers (on est ensemble). Mandale prise lors du concert de Kae Tempest, qui nous a prévenus qu’iel allait enchaîner ses titres en mode autoroute. Couleur annoncée, on s’est pris toutes ses histoires et son phrasé tranchant en pleine face. Poignant.
PJ Harvey (que l’on avait aussi vu à Cabaret Vert) a débarqué sur la grande scène avec beaucoup de tracks de son dernier album I Inside The Old Year Dying. Munie d’une autoharpe, elle laisse planer une atmosphère calme, comme si elle avait troqué son rock d’écorchée vive pour des accords plus doux et folk. C’est donc ça, la résilience ?
On a vu Loyle Carner qui a décidément tout pour conquérir les cœurs : des textes sincères, percutant, à vif, le tout orchestré par une formule musicale simple et efficace voguant sur des notes jazz, soul. Voix suave, sourire en coin et pudeur, nous avons été charmés en écoutant ‘Dameselfly’, ‘Ottolenghi’ et ‘Nobody Knows’ un morceau très solennel.
Avec leurs chansons apaisantes et intelligemment construites telles que ‘Beautiful Everything’, ‘Shelter’ et ‘Easy’, ils ont chassé la pluie pour laisser place aux rayons du soleil qui ont ébloui leur set. Anecdote : c’était le premier concert du fils du chanteur Ambroise. La classe de voir son père jouer à Rock en Seine !
Glass Beams, l’un des noms les plus mystérieux de notre liste de shows à voir, nous a hypnotisés de la tête aux pieds. Ici, on a ondulé nos corps sur de l’instrumental rappelant les esthétiques d’Altin Gun et Khruangbin. Ensorcelant. Et puis, on a fait un petit tour du côté des Astral Bakers qui ont joué sur la scène du Bosquet samedi après-midi.
Bémol pour le set de Jungle qu’on attendait vraiment et qui nous a un peu déçus par sa composition de scène similaire à celle d’il y a 10 ans. Les morceaux comme ‘Back to 74’ ou encore ‘I’ve Been In Love’ sont toujours aussi chaleureux, mais il semblerait que ceux qui les jouent ne transpirent pas autant la joie ni la convivialité. Dommage, ça a un peu cassé le délire solaire.
Rock en Seine, c’était, comme le dit si bien Pomme, ‘grandiose’. RDV l’année prochaine. Rock Rock Rock Rock
Meilleur moment : Le sets de LCD Soundsystem, Kae Tempest, 2manydjs, Loyle Carner, Fred Again.. et Psychotic Monks. Mention spéciale au sandwich raclette qui nous a réchauffé quand on est passé de 29° à 20° sous les averses du samedi.
Pire moment : L’entrée du crash barrière de la grande scène pour photographier (non mais ça va pas, de nous faire passer par la fosse avec les festivaliers autour ?), le rougail-saucisse à 18€ et la pinte de blonde à plus de 10 balles si on compte les 2€ de consigne.