đ Tsugi Podcast 618 : Nanna Makina, grand-mĂšre vĂ©nĂšre
PenÂdant le conÂfineÂment, lâAngleterre a dĂ©couÂvert une petite vieille qui, quand elle ne se metÂtait pas en scĂšne dans des sketchs sur TikÂTok, surÂpreÂnait son monde en mixÂant des clasÂsiques de makÂiÂna, un genre que lâon penÂsait mort et enterÂrĂ©. Or, NanÂna MakÂiÂna est venue prouÂver tout le conÂtraire : en Angleterre, et plus prĂ©ÂcisĂ©Âment dans la rĂ©gion de NewÂcasÂtle, le genre dâorigine espagÂnole a touÂjours ses afiÂcionaÂdos et a su traÂversÂer les Ă©poÂques, en attenÂdant de renaĂźtre une bonne fois pour toute Ă la fin de la pandĂ©mie de Covid-19.
âLa makÂiÂna fait parÂtie de lâADN du Nord-Est de lâAngleterreâ
NanÂna, chez TsuÂgi, on vous a dĂ©couÂverte Ă traÂvers votre set spĂ©Âcial fĂȘtes de fin dâannĂ©e, dans lequel vous mixÂez de la makÂiÂna dĂ©guisĂ©e en lutin du PĂšre NoĂ«l au milieu dâun parc dâatÂtracÂtions de South Shields, une ville que lâon conÂnaĂźt surtout pour ĂȘtre le siĂšge de la marÂque BarÂbour. Racontez-nous.
Lâinitiative vient de Leon Steele, du colÂlecÂtif The Great North Rave. Je nâai pas hĂ©sitĂ© Ă parÂticiper car câĂ©tait un set de charÂitĂ© dont les bĂ©nĂ©Âfices Ă©taient reverÂsĂ©s aux SDF de la rĂ©gion. En ces temps difÂfiÂciles pour tout le monde, il faut savoir faire preuve de solÂiÂdarÂitĂ©. Les proÂpriĂ©Âtaires du parc nâont donc pas hĂ©sitĂ© non plus Ă nous laissÂer les clĂ©s. On a essayĂ© de faire un truc un peu classe, avec plein de camĂ©ras et de drones, en sâinspirant des sesÂsions CerÂcle. Sauf que lĂ , on est dans un parc dâattraction vide du Nord-Est de lâAngleterre et on mixe de la makina.
Quel Ă©tait votre parÂcours avant dâen arrivÂer lĂ ?
Ma vie a touÂjours Ă©tĂ© liĂ©e Ă la musique et aux raves. Je suis nĂ©e Ă NewÂcasÂtle en 1935 et jâai comÂmencĂ© par mixÂer des disÂques dans des staÂtions de radios pirates dans les annĂ©es 1960. Puis jâai conÂtinÂuĂ© de vivre avec mon temps et je suis passĂ©e au disÂco, Ă la house, jusquâĂ dĂ©couÂvrir la makÂiÂna Ă la fin des annĂ©es 1990. En ce temps-lĂ , quand je nâallais pas dans la mythique disÂcothĂšque Pont Aeri Ă Barcelone, je faiÂsais le tour des boĂźtes de ma rĂ©gion : le Blue MonÂkey Ă SunÂderÂland, le ColosÂseÂum Ă StockÂton ou encore le Hangar-13 Ă Newcastle.
âJe fais du yoga tous les jours. Et je suis un rĂ©gime trĂšs strict Ă base de vitÂaÂmines : des clopes et des canettes de NewÂcasÂtle Brown Ale.â
Vous avez aujourdâhui 85 ans. Quel est votre secret pour garder la forme ?
Je fais du yoga tous les jours. Et je suis un régime trÚs strict à base de vitamines.
Quel genre de vitamines ?
Des clopes et des canettes de NewÂcasÂtle Brown Ale.
Non sans rire, vous espĂ©rez vraiÂment nous faire avaler ça ? En plus on voit votre visÂage qui se dĂ©colle !
Bon ok, vous avez raiÂson, il y a quelquâun derÂriĂšre le masque de NanÂna. En rĂ©alÂitĂ©, je mâappelle Shakeil Luciano, jâai 28 ans et je suis donc ausÂsi vieux que la makÂiÂna. En revanche, je viens vraiÂment de NewÂcasÂtle et je suis proÂducÂteur de musique Ă plein temps depuis deux ans. Avant je bosÂsais comme agent des impĂŽts.
Du coup, comÂment est nĂ© ton perÂsonÂnage de mamie makinÂera ?
CâĂ©tait il y a un an et rien de tout ça ne serait arrivĂ© sans le coroÂnÂavirus. En fouilÂlant dans une armoire, jâai retrouÂvĂ© comÂplĂšteÂment par hasard ce masque de grand-mĂšre que jâavais achetĂ© pour un cosÂtume dâHalloween. En voyÂant tous mes conÂtacts tomber en dĂ©presÂsion Ă cause du conÂfineÂment, je me suis dit que jâallais essayÂer de leur redonner le sourire avec des sets de makÂiÂna, mais dĂ©guisĂ© en mamie. En parÂalÂlĂšle, NanÂna est active sur TikÂTok oĂč elle se met en scĂšne dans des sketchs comiques et un peu trash avec son acolyte Joe TurÂbo. Par conÂtre, lĂ , on nâutilise pas de rĂ©fĂ©rence Ă la makina.
Pourquoi ?
Parce que le pubÂlic sur TikÂTok est beauÂcoup plus large, il vient de toute lâAngleterre, tanÂdis que celui de YouTube rassemÂble soit des gens de ma rĂ©gion, soit des fans de makÂiÂna. Mieux vaut donc Ă©viter de tout mĂ©langer. Je ne suis pas sĂ»r que tout le monde comÂprendrait le dĂ©lire avec ce style, mĂȘme si mon perÂsonÂnage marche bien sur les deux plateformes.
@nannamakina_joeturboNo one was hurt durÂing the act đ When youâve had enough of her shit. Cya love. #fyp #joeÂturÂbo #nanÂnaÂmakÂiÂna⏠origÂiÂnal sound â NannaMakina_JoeTurbo
Quâest-ce qui foncÂtionne le mieux jusquâĂ prĂ©sent ?
Les sketchs, sans hĂ©siter. On a dĂ©passĂ© la barre des huit milÂlions de vues, tanÂdis que sur YouTube, les meilleurs DJ-sets en comptent quelques dizaines de milÂliers. Dans les deux cas, je suis conÂtent du rĂ©sulÂtat car je nâimaginais pas renÂconÂtrÂer un tel sucÂcĂšs. Câest une belle rĂ©comÂpense pour mon alter-ego avec lequel jâessaie de disÂtraire les gens qui vivent une pĂ©riÂode compliquĂ©e.
Tu disÂais que le pubÂlic de tes sets vient prinÂciÂpaleÂment du Nord-Est de lâAngleterre. ComÂment la makÂiÂna est-elle arrivĂ©e lĂ -bas ?
Ă la fin des annĂ©es 1990, trois DJs du coin, DJ Scott, DJ CulÂture et DJ Nitro, allaient souÂvent Ă Barcelone, oĂč ils ont dĂ©couÂvert les soirĂ©es makÂiÂna et reveÂnaient Ă chaque fois les bras chargĂ©s de vinyles. Ils ont comÂmencĂ© Ă en jouer dans cette disÂcothĂšque de SunÂderÂland, le Blue MonÂkey, et bizarrement, le sucÂcĂšs a Ă©tĂ© immĂ©ÂdiÂat : 3 000 perÂsonÂnes en moyenne venaient raver chaque week-end. En 1997, le Blue MonÂkey a Ă©tĂ© dĂ©truÂit dans un incendie et recréé deux ans plus tard sous le nom de New MonÂkey, dans une vieille salle oĂč lâon jouait au binÂgo. CâĂ©tait lâendroit oĂč tout se pasÂsait, mais il a malÂheureuseÂment dĂ» ferÂmer en 2006.
âChez nous, on a des MCs qui posent par-dessus les morceaux et ce, depuis touÂjours, peu importe le style. Câest culÂturel, trĂšs briÂtanÂnique, ça apporte un truc en plus qui ambiance le public.â
Tu peux nous raconÂter comÂment câĂ©tait les soirĂ©es lĂ -bas ?
A lâĂ©poque, jâĂ©tais trop jeune pour y aller, mais je sais quâil Ă©tait ouvert chaque sameÂdi et quâil falÂlait en ĂȘtre memÂbre pour pouÂvoir renÂtrÂer. Sa grande parÂticÂuÂlarÂitĂ©, câest quâon nây serÂvait pas dâalcool. Il pouÂvait donc rester ouvert jusquâĂ sept heures du matin. Et Ă la difÂfĂ©rence du club rival, le Hangar-13, les soirĂ©es Ă©taient autorisĂ©es aux moins de seize ans, ce qui a conÂsidÂĂ©rableÂment rajeÂuÂni lâĂąge moyen du pubÂlic. On mâa dit que parÂfois, mĂȘme des enfants arrivaient Ă sâincruster ! Les gens venaient surtout pour Ă©couter les MCs, mais les organÂisaÂteurs ont rĂ©usÂsi Ă faire venir plusieurs gros noms de la makÂiÂna espagÂnole, comme Xavi MetralÂla, DJ SkudÂero ou encore Juan Cruz.
Quâest-ce qui a prĂ©ÂcipÂitĂ© sa fermeture ?
Des hisÂtoires de nuiÂsances sonores mais surtout, une descente de police provoÂquĂ©e par le trafÂic de subÂstances illĂ©Âgales qui sây dĂ©roulait et qui a causĂ© plusieurs dĂ©cĂšs. Il a eu le droit de rouÂvrir quelques mois Ă la fin de lâannĂ©e 2006, mais ça nâa pas duré⊠Par conÂtre, le bĂątiÂment existe touÂjours aujourdâhui. Dâailleurs, et câest plutĂŽt ironique, il a Ă©tĂ© transÂforÂmĂ© en Ă©glise !
La makÂiÂna est-elle morte depuis ?
Au conÂtraire, ça a conÂtribuĂ© Ă la faire entrÂer dans la lĂ©gende ! Je conÂnais mĂȘme des gens qui se sont fait tatouer le logo du New MonÂkey sur le corps, câest dire lâimpact quâil a eu sur notre culÂture rĂ©gionale. Aujourdâhui encore, beauÂcoup ne parÂlent pas de makÂiÂna pour dĂ©signÂer le genre musiÂcal, mais du âNew MonÂkey soundâ. Vingt ans plus tard, il est touÂjours ausÂsi popÂuÂlaire, solideÂment ancrĂ© dans notre ADN. MĂȘme si ça reste un style de niche, je suis conÂvaÂinÂcu quâil ne disÂparaĂźÂtra jamais. La preuve, on a conÂtinÂuĂ© Ă organÂisÂer des soirĂ©es makÂiÂna, mĂȘme si elles nâont jamais eu lâaura de celles du New MonÂkey.
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ComÂment peut-on expliÂquer ce sucÂcĂšs ? Est-ce parce que la makÂiÂna est venue combler un manque de genre proÂpre Ă la rĂ©gion, un peu comme la bassline dans le Yorkshire ?
Mmmh, pas vraiÂment. Avant la makÂiÂna, on pasÂsait Ă©norÂmĂ©Âment de happy-hardcore et avant ça, câĂ©tait surtout de la trance. Le Nord-Est de lâAngleterre a touÂjours bien accrochĂ© avec les styles qui remuent et la makÂiÂna sâinscrit donc dans une suite logique.
En quoi la verÂsion anglaise se distingue-t-elle de sa grande sĆur espagnole ?
Chez nous, on a des MCs qui posent par-dessus les morceaux et ce, depuis touÂjours, peu importe le style. Câest culÂturel, trĂšs briÂtanÂnique, ça apporte un truc en plus qui ambiance le pubÂlic. Les pioÂnniers de la scĂšne makÂiÂna sâappelaient MC TechÂno et MC Jet, ils sont devenus des rĂ©fĂ©rences. En tout cas, il faut sâaccrocher parce que dĂ©biter du texte Ă 160 bpm avec lâaccent de NewÂcasÂtle, ça peut ĂȘtre difÂfiÂcile Ă comÂprenÂdre, mĂȘme pour un anglophone.
De quoi ça parÂle en substance ?
De teuf, du fait de prenÂdre de la drogue, de passÂer un bon moment⊠CerÂtaines paroles nâont mĂȘme aucun sens, elles sonÂnent juste bien Ă lâoreille. Un mec qui sâappelle MC Stompin peut par exemÂple Ă©pelÂer son nom en boucle et ça sufÂfit Ă metÂtre le feu. Mais il arrive ausÂsi que ce soit des textes plus sĂ©rieux. Mon pote MC Stretch en a comÂposĂ© un qui sâappelle âIâve Got This FeelÂingâ, en homÂmage Ă sa mĂšre qui est morte du canÂcer. Ăa lui a pris 20 minÂutes parce que ça venait directeÂment du cĆur et mĂȘme si câest triste, le sucÂcĂšs ne sâest jamais dĂ©menÂti. Les gens arrivent Ă sâidentifier Ă lui.
âLe futur de la makÂiÂna sâannonce plus radieux que jamais.â
Tu te souÂviens de ta preÂmiĂšre renÂconÂtre avec la makina ?
TrĂšs bien. Le tout preÂmier morceau quâon mâa fait Ă©couter, câĂ©tait âRainÂbowâ, par Virthu-all, sur un vieux portable SamÂsung dans un parc de NewÂcasÂtle. A lâĂ©poque, jâĂ©tais Ă fond dans le hip-hop clasÂsique et je rapÂpais par-dessus, sous le blaze de MC Vibe. Par la suite, on se faiÂsait tournÂer les mixÂtapes du New MonÂkey qui Ă©taient venÂdues sur un stand au marchĂ© pour quelques livres. Aujourdâhui, tout ça a disÂparu Ă cause du numĂ©rique, mais jâen ai touÂjours une que je garde comme un trĂ©Âsor : câest la derniĂšre qui est sorÂtie avant la ferÂmeÂture du club.
On peut dire que tu apparÂtiens Ă la nouÂvelle gĂ©nĂ©raÂtion de la makÂiÂna anglaise. MĂȘme si lâhĂ©ritage du passĂ© subÂsiste encore, est-ce que le genre a un avenir devant lui ?
TotaleÂment et je dirais mĂȘme quâil sâannonce plus radieux que jamais. Pour beauÂcoup de jeunes, le conÂfineÂment a Ă©tĂ© lâoccasion de dĂ©couÂvrir la makÂiÂna Ă traÂvers mes sets. En parÂalÂlĂšle, plein de lĂ©genÂdes du genre, espagÂnoles comme anglaisÂes, ont organÂisĂ© des sesÂsions en ligne avec Ă©norÂmĂ©Âment de retours posiÂtifs Ă chaque fois. Tout ça a amenĂ© le pubÂlic Ă vouloir transÂposÂer leur enjailleÂment sur une vraie soirĂ©e dans un vrai club. DĂšs que la vie reprenÂdra norÂmaleÂment, jâen suis sĂ»r, ça va explosÂer et ça va ĂȘtre gĂ©nial.
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TrackÂlist du podÂcast 618 :
01. DJ Sisu & DJ Ortuno â Scream 2002
02. X Que 3 â I Have A Dream
03. KonÂtrol â SinÂfonÂic Adventures
04. NetÂwork â ProÂhibÂit Land
05. Black Alien â The Light
06. J&J Djâs Feat. Jordy Beat & Dany Kaos â La FesÂta Vol. III
07. Juan Cruz â Harmonycs
08. ColÂors â Fantasy
09. CybeÂria â Fantasies
10. AnaÂlogÂic â Back To Roots
11. AtomÂic Junkies â The Monstersound
12. Pont Aeri Vol.2 â The Countdown
13. Ocho â Like A Cycle
14. Mikey OâHare â Two Bad Mice
15. GenÂerÂal Base â Rhythm & Drums
16. DJ SkrykÂer â Impact
17. Dj Konik Feat Michelle Collins â Russians
18. Vucho Destroy â DomÂiÂnaÂtor Sampler
19. DJ HisÂteriÂco â Medievil
20. DJ SkudÂero â Dehlia (Remix 98)
21. Virthu-All â RainÂbow (Up Mix)
22. Dani FiesÂta â Definitiva
23. Dj Richard & JohnÂny Bass â Lets Cry
24. DJ Roy â Tam Tam
25. Pont Aeri Vol.4 â FlyÂing Free
26. Wax â This Is Real
27. DJ El BruÂjo & MaduiaÂbeÂlik â La DanÂza Feliz