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24 mars 2021

🔊 Tsugi Podcast 618 : Nanna Makina, grand-mĂšre vĂ©nĂšre

par Julien Duez

Pendant le confinement, l’Angleterre a dĂ©couvert une petite vieille qui, quand elle ne se mettait pas en scĂšne dans des sketchs sur TikTok, surprenait son monde en mixant des classiques de makina, un genre que l’on pensait mort et enterrĂ©. Or, Nanna Makina est venue prouver tout le contraire : en Angleterre, et plus prĂ©cisĂ©ment dans la rĂ©gion de Newcastle, le genre d’origine espagnole a toujours ses aficionados et a su traverser les Ă©poques, en attendant de renaĂźtre une bonne fois pour toute Ă  la fin de la pandĂ©mie de Covid-19.

« La makina fait partie de l’ADN du Nord-Est de l’Angleterre »

Nanna, chez Tsugi, on vous a dĂ©couverte Ă  travers votre set spĂ©cial fĂȘtes de fin d’annĂ©e, dans lequel vous mixez de la makina dĂ©guisĂ©e en lutin du PĂšre NoĂ«l au milieu d’un parc d’attractions de South Shields, une ville que l’on connaĂźt surtout pour ĂȘtre le siĂšge de la marque Barbour. Racontez-nous.

L’initiative vient de Leon Steele, du collectif The Great North Rave. Je n’ai pas hĂ©sitĂ© Ă  participer car c’était un set de charitĂ© dont les bĂ©nĂ©fices Ă©taient reversĂ©s aux SDF de la rĂ©gion. En ces temps difficiles pour tout le monde, il faut savoir faire preuve de solidaritĂ©. Les propriĂ©taires du parc n’ont donc pas hĂ©sitĂ© non plus Ă  nous laisser les clĂ©s. On a essayĂ© de faire un truc un peu classe, avec plein de camĂ©ras et de drones, en s’inspirant des sessions Cercle. Sauf que lĂ , on est dans un parc d’attraction vide du Nord-Est de l’Angleterre et on mixe de la makina.

Quel Ă©tait votre parcours avant d’en arriver lĂ  ?

Ma vie a toujours Ă©tĂ© liĂ©e Ă  la musique et aux raves. Je suis nĂ©e Ă  Newcastle en 1935 et j’ai commencĂ© par mixer des disques dans des stations de radios pirates dans les annĂ©es 1960. Puis j’ai continuĂ© de vivre avec mon temps et je suis passĂ©e au disco, Ă  la house, jusqu’à dĂ©couvrir la makina Ă  la fin des annĂ©es 1990. En ce temps-lĂ , quand je n’allais pas dans la mythique discothĂšque Pont Aeri Ă  Barcelone, je faisais le tour des boĂźtes de ma rĂ©gion : le Blue Monkey Ă  Sunderland, le Colosseum Ă  Stockton ou encore le Hangar-13 Ă  Newcastle.

« Je fais du yoga tous les jours. Et je suis un régime trÚs strict à base de vitamines : des clopes et des canettes de Newcastle Brown Ale. »

Vous avez aujourd’hui 85 ans. Quel est votre secret pour garder la forme ?

Je fais du yoga tous les jours. Et je suis un régime trÚs strict à base de vitamines.

Quel genre de vitamines ?

Des clopes et des canettes de Newcastle Brown Ale.

Non sans rire, vous espérez vraiment nous faire avaler ça ? En plus on voit votre visage qui se décolle !

Bon ok, vous avez raison, il y a quelqu’un derriĂšre le masque de Nanna. En rĂ©alitĂ©, je m’appelle Shakeil Luciano, j’ai 28 ans et je suis donc aussi vieux que la makina. En revanche, je viens vraiment de Newcastle et je suis producteur de musique Ă  plein temps depuis deux ans. Avant je bossais comme agent des impĂŽts.

Du coup, comment est né ton personnage de mamie makinera ?

C’était il y a un an et rien de tout ça ne serait arrivĂ© sans le coronavirus. En fouillant dans une armoire, j’ai retrouvĂ© complĂštement par hasard ce masque de grand-mĂšre que j’avais achetĂ© pour un costume d’Halloween. En voyant tous mes contacts tomber en dĂ©pression Ă  cause du confinement, je me suis dit que j’allais essayer de leur redonner le sourire avec des sets de makina, mais dĂ©guisĂ© en mamie. En parallĂšle, Nanna est active sur TikTok oĂč elle se met en scĂšne dans des sketchs comiques et un peu trash avec son acolyte Joe Turbo. Par contre, lĂ , on n’utilise pas de rĂ©fĂ©rence Ă  la makina.

Pourquoi ?

Parce que le public sur TikTok est beaucoup plus large, il vient de toute l’Angleterre, tandis que celui de YouTube rassemble soit des gens de ma rĂ©gion, soit des fans de makina. Mieux vaut donc Ă©viter de tout mĂ©langer. Je ne suis pas sĂ»r que tout le monde comprendrait le dĂ©lire avec ce style, mĂȘme si mon personnage marche bien sur les deux plateformes.

@nannamakina_joeturboNo one was hurt during the act 😂 When you’ve had enough of her shit. Cya love. #fyp #joeturbo #nannamakina♬ original sound – NannaMakina_JoeTurbo

Qu’est-ce qui fonctionne le mieux jusqu’à prĂ©sent ?

Les sketchs, sans hĂ©siter. On a dĂ©passĂ© la barre des huit millions de vues, tandis que sur YouTube, les meilleurs DJ-sets en comptent quelques dizaines de milliers. Dans les deux cas, je suis content du rĂ©sultat car je n’imaginais pas rencontrer un tel succĂšs. C’est une belle rĂ©compense pour mon alter-ego avec lequel j’essaie de distraire les gens qui vivent une pĂ©riode compliquĂ©e.

Tu disais que le public de tes sets vient principalement du Nord-Est de l’Angleterre. Comment la makina est-elle arrivĂ©e lĂ -bas ?

À la fin des annĂ©es 1990, trois DJs du coin, DJ Scott, DJ Culture et DJ Nitro, allaient souvent Ă  Barcelone, oĂč ils ont dĂ©couvert les soirĂ©es makina et revenaient Ă  chaque fois les bras chargĂ©s de vinyles. Ils ont commencĂ© Ă  en jouer dans cette discothĂšque de Sunderland, le Blue Monkey, et bizarrement, le succĂšs a Ă©tĂ© immĂ©diat : 3 000 personnes en moyenne venaient raver chaque week-end. En 1997, le Blue Monkey a Ă©tĂ© dĂ©truit dans un incendie et recrĂ©Ă© deux ans plus tard sous le nom de New Monkey, dans une vieille salle oĂč l’on jouait au bingo. C’était l’endroit oĂč tout se passait, mais il a malheureusement dĂ» fermer en 2006.

« Chez nous, on a des MCs qui posent par-dessus les morceaux et ce, depuis toujours, peu importe le style. C’est culturel, trĂšs britannique, ça apporte un truc en plus qui ambiance le public. »

Tu peux nous raconter comment c’était les soirĂ©es lĂ -bas ?

A l’époque, j’étais trop jeune pour y aller, mais je sais qu’il Ă©tait ouvert chaque samedi et qu’il fallait en ĂȘtre membre pour pouvoir rentrer. Sa grande particularitĂ©, c’est qu’on n’y servait pas d’alcool. Il pouvait donc rester ouvert jusqu’à sept heures du matin. Et Ă  la diffĂ©rence du club rival, le Hangar-13, les soirĂ©es Ă©taient autorisĂ©es aux moins de seize ans, ce qui a considĂ©rablement rajeuni l’ñge moyen du public. On m’a dit que parfois, mĂȘme des enfants arrivaient Ă  s’incruster ! Les gens venaient surtout pour Ă©couter les MCs, mais les organisateurs ont rĂ©ussi Ă  faire venir plusieurs gros noms de la makina espagnole, comme Xavi Metralla, DJ Skudero ou encore Juan Cruz.

Qu’est-ce qui a prĂ©cipitĂ© sa fermeture ?

Des histoires de nuisances sonores mais surtout, une descente de police provoquĂ©e par le trafic de substances illĂ©gales qui s’y dĂ©roulait et qui a causĂ© plusieurs dĂ©cĂšs. Il a eu le droit de rouvrir quelques mois Ă  la fin de l’annĂ©e 2006, mais ça n’a pas duré  Par contre, le bĂątiment existe toujours aujourd’hui. D’ailleurs, et c’est plutĂŽt ironique, il a Ă©tĂ© transformĂ© en Ă©glise !

La makina est-elle morte depuis ?

Au contraire, ça a contribuĂ© Ă  la faire entrer dans la lĂ©gende ! Je connais mĂȘme des gens qui se sont fait tatouer le logo du New Monkey sur le corps, c’est dire l’impact qu’il a eu sur notre culture rĂ©gionale. Aujourd’hui encore, beaucoup ne parlent pas de makina pour dĂ©signer le genre musical, mais du « New Monkey sound ». Vingt ans plus tard, il est toujours aussi populaire, solidement ancrĂ© dans notre ADN. MĂȘme si ça reste un style de niche, je suis convaincu qu’il ne disparaĂźtra jamais. La preuve, on a continuĂ© Ă  organiser des soirĂ©es makina, mĂȘme si elles n’ont jamais eu l’aura de celles du New Monkey.

 

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Comment peut-on expliquer ce succÚs ? Est-ce parce que la makina est venue combler un manque de genre propre à la région, un peu comme la bassline dans le Yorkshire ?

Mmmh, pas vraiment. Avant la makina, on passait Ă©normĂ©ment de happy-hardcore et avant ça, c’était surtout de la trance. Le Nord-Est de l’Angleterre a toujours bien accrochĂ© avec les styles qui remuent et la makina s’inscrit donc dans une suite logique.

En quoi la version anglaise se distingue-t-elle de sa grande sƓur espagnole ?

Chez nous, on a des MCs qui posent par-dessus les morceaux et ce, depuis toujours, peu importe le style. C’est culturel, trĂšs britannique, ça apporte un truc en plus qui ambiance le public. Les pionniers de la scĂšne makina s’appelaient MC Techno et MC Jet, ils sont devenus des rĂ©fĂ©rences. En tout cas, il faut s’accrocher parce que dĂ©biter du texte Ă  160 bpm avec l’accent de Newcastle, ça peut ĂȘtre difficile Ă  comprendre, mĂȘme pour un anglophone.

De quoi ça parle en substance ?

De teuf, du fait de prendre de la drogue, de passer un bon moment
 Certaines paroles n’ont mĂȘme aucun sens, elles sonnent juste bien Ă  l’oreille. Un mec qui s’appelle MC Stompin peut par exemple Ă©peler son nom en boucle et ça suffit Ă  mettre le feu. Mais il arrive aussi que ce soit des textes plus sĂ©rieux. Mon pote MC Stretch en a composĂ© un qui s’appelle « I’ve Got This Feeling », en hommage Ă  sa mĂšre qui est morte du cancer. Ça lui a pris 20 minutes parce que ça venait directement du cƓur et mĂȘme si c’est triste, le succĂšs ne s’est jamais dĂ©menti. Les gens arrivent Ă  s’identifier Ă  lui.

« Le futur de la makina s’annonce plus radieux que jamais. »

Tu te souviens de ta premiĂšre rencontre avec la makina ?

TrĂšs bien. Le tout premier morceau qu’on m’a fait Ă©couter, c’était « Rainbow », par Virthu-all, sur un vieux portable Samsung dans un parc de Newcastle. A l’époque, j’étais Ă  fond dans le hip-hop classique et je rappais par-dessus, sous le blaze de MC Vibe. Par la suite, on se faisait tourner les mixtapes du New Monkey qui Ă©taient vendues sur un stand au marchĂ© pour quelques livres. Aujourd’hui, tout ça a disparu Ă  cause du numĂ©rique, mais j’en ai toujours une que je garde comme un trĂ©sor : c’est la derniĂšre qui est sortie avant la fermeture du club.

On peut dire que tu appartiens Ă  la nouvelle gĂ©nĂ©ration de la makina anglaise. MĂȘme si l’hĂ©ritage du passĂ© subsiste encore, est-ce que le genre a un avenir devant lui ?

Totalement et je dirais mĂȘme qu’il s’annonce plus radieux que jamais. Pour beaucoup de jeunes, le confinement a Ă©tĂ© l’occasion de dĂ©couvrir la makina Ă  travers mes sets. En parallĂšle, plein de lĂ©gendes du genre, espagnoles comme anglaises, ont organisĂ© des sessions en ligne avec Ă©normĂ©ment de retours positifs Ă  chaque fois. Tout ça a amenĂ© le public Ă  vouloir transposer leur enjaillement sur une vraie soirĂ©e dans un vrai club. DĂšs que la vie reprendra normalement, j’en suis sĂ»r, ça va exploser et ça va ĂȘtre gĂ©nial.

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Tracklist du podcast 618 :

01. DJ Sisu & DJ Ortuno – Scream 2002
02. X Que 3 – I Have A Dream
03. Kontrol – Sinfonic Adventures
04. Network – Prohibit Land
05. Black Alien – The Light
06. J&J Dj’s Feat. Jordy Beat & Dany Kaos – La Festa Vol. III
07. Juan Cruz – Harmonycs
08. Colors – Fantasy
09. Cyberia – Fantasies
10. Analogic – Back To Roots
11. Atomic Junkies – The Monstersound
12. Pont Aeri Vol.2 – The Countdown
13. Ocho – Like A Cycle
14. Mikey O’Hare – Two Bad Mice
15. General Base – Rhythm & Drums
16. DJ Skryker – Impact
17. Dj Konik Feat Michelle Collins – Russians
18. Vucho Destroy – Dominator Sampler
19. DJ Histerico – Medievil
20. DJ Skudero – Dehlia (Remix 98)
21. Virthu-All – Rainbow (Up Mix)
22. Dani Fiesta – Definitiva
23. Dj Richard & Johnny Bass – Lets Cry
24. DJ Roy – Tam Tam
25. Pont Aeri Vol.4 – Flying Free
26. Wax – This Is Real
27. DJ El Brujo & Maduiabelik – La Danza Feliz

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