Qui a dit qu’il fallait être jeune pour percer ? Sur Instagram, une vague de chanteurs à la voix suave et aux cheveux grisonnqngx est en train de secouer l’algorithme (on abuse à peine).
Vous avez peut-être vu passer Ariane Bonzini sur votre feed Instagram. Une voix douce, une instru sucrée… et une dégaine qui tranche totalement avec ce à quoi on est habitué.
Cette voix suave qui nous caresse les oreilles est en effet celle d’un quarantenaire en chemise à carreaux — loin du gars hype, style boucles d’oreilles et sape chinée auquel on aurait pu s’attendre.
Pour autant, une fois passée la surprise, on se laisse entraîner par ses compositions douces, sucrées, envoûtantes. On y distingue l’influence des grands succès de la bedroom pop des années 2010, style « Chamber of Reflection » de MacDemarco ou hip-hop sensible à la Mac Miller. Et surtout, Ariane Bonzini semble tout faire lui-même.
Il a d’ailleurs sorti un album le 29 août dernier, intitulé Magenta. Un disque réussi, montrant sa capacité à écrire un ensemble de titres cohérents et de grande qualité, dans le registre planant et soulful.
Il faut noter que sa formule s’est affinée au fur et à mesure des années. Début 2024, il sortait en effet l’EP La fabuleuse histoire du piano d’Ariane. Un projet bien plus proche du rap, voire de la chanson parlée, aux influences 80s très riches en arpèges de synthétiseurs. On pouvait y sentir les racines de son esthétique éthérée actuelle, sans y être tout à fait.
Dans un registre similaire, vous avez peut-être vu passer le groupe Elmjack. Il s’agit d’un duo américain, plus proche de la soixantaine. Cette fois-ci, pas d’albums (en tout cas pas encore), mais quelques clips et des performances lives. Et là encore, surprise lorsqu’on en entend une voix jeune et suave sortir de la bouche du tonton.
Là encore, ces sonorités sucrées servent à parler de sentiments et de sensibilité. Sur l’une des vidéos sur Instagram, le chanteur du groupe explique que cela fait maintenant 40 ans qu’il hésite à « l’appeler » (« call her ») – avant d’introduire une chanson développant ce thème. Un twist sur une thématique classique du R’n’B, adapté à sa réalité de soixantenaire. On aime bien.
À noter que dans le cas de Elmjack, on retrouve une flopée de co-auteurs à chaque titre, à savoir Dende, Hadji Gaviota, loe4t. Outre la qualité de ces projets, c’est bien sûr la communication des artistes qui séduit et attire l’attention. On est totalement dans les codes actuels : esthétique « fait maison », face-caméra court, et bref extrait de la chanson qui donne envie d’en écouter plus.
La surprise est légitime : il y a encore quelques années, il était impensable de voir des artistes de plus de 40 ans avoir une communication originale et efficace sur les réseaux sociaux. D’autant plus qu’ils n’abordent pas vraiment le sujet de leur âge. C’est d’ailleurs plutôt inspirant. On peut créer dans de la musique dans n’importe quel style et à tout âge – et on n’est pas non plus obligé de faire du rock à papa quand on a 40 ans.
Pour autant, la problématique de l’âge reste une problématique peu! abordée l’industrie musicale, d’autant plus dans l’émergence ou le lancement d’une carrière. L’écrasante majorité des artistes qui percent le font avant 30 ans, comme l’expliquaient nos collègues de Libération. Dans un registre proche, on abordait il y a peu la difficulté pour les femmes de vieillir en tant que DJ — a fortiori dans une ère où la communication visuelle est autant, voire plus importante que la musique elle-même.
On ne pourra pas dire si la hype autour d’Ariane Bonzini et Elmjack laisse présager une mutation de l’industrie musicale pour plus d’ouverture vers les artistes plus âgés. Du moins pour l’instant. Alors restons à l’affut.