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© Michael Mayer via Flickr
18 janvier 2024

Berlin et le Berghain face au boycott : on vous explique

par Tsugi

En ce début de 2024, certains clubs berlinois font face à des boycotts et des annulations de la part des artistes. Le Berghain en tête de file. En janvier, le club mythique s’est vu contraint d’annuler deux soirées coup sur coup. Parallèlement, la ville de Berlin vient d’ajouter une nouvelle clause anti-discrimination concernant l’attribution de subventions. Cette mesure mettant l’accent contre l’antisémitisme sème la confusion. De peur d’être taxé d’antisémites, les établissements ne semblent laisser aucune place à la moindre forme de soutien pro-palestinien. Face à ce silence, un phénomène de boycott se propage comme une traînée de poudre dans la capitale allemande. Après l’augmentation du prix des tickets, les rumeurs de fermetures, l’interdiction de danser, la vie nocturne et culturelle berlinoise traverse une nouvelle crise. Explications.

 

Par François Brulé

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UPDATE / MISE À JOUR

Depuis la rédaction de cet article, la situation a évolué et le sénat allemand est revenu sur sa clause anti-discrimination.

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Boycott des artistes et annulations des événements. Ce début d’année n’est pas facile à gérer pour les clubs berlinois. Depuis le 4 janvier, toute institution culturelle souhaitant percevoir les subventions de la ville doit respecter une nouvelle mesure anti-discrimination, mettant un accent particulier sur l’antisémitisme. Publié par Joe Chialo, sénateur à la culture et à la cohésion sociale, ce document se base sur une définition détaillée donnée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). S’en est suivi un drôle de phénomène.

Ne souhaitant courir aucun risque d’amalgame, les établissements culturels se sont gardés d’afficher un quelconque soutien à la cause palestinienne. Auquel cas, ces derniers verraient leurs subventions coupées voire même leurs portes se fermer. Comme en témoigne le cas du centre culturel Oyoun, situé à Neukölln. Le 4 novembre, Oyoun a organisé un événement en invitant l’organisation anti-sioniste Jewish Voice for Peace. En maintenant celui-ci, le centre culturel s’est attiré les critiques du sénateur à la culture. Déclarant s’inscrire dans une lutte contre la discrimination, Joe Chialo a souligné s’attacher « à la prévention de toute forme cachée d’antisémitisme ». Quelques jours plus tard, le Sénat a annoncé l’arrêt total des subventions accordées à Oyoun avant de prononcer sa fermeture définitive. 

 

 

Comme si cela devait s’arrêter là. Le 12 janvier, le Berghain annule la soirée italorama. Le jour-même, Arabian Panther publie un témoignage expliquant l’annulation de l’événement. Le DJ et producteur franco-libanais, censé assurer sa première au Berghain ce même jour, reprend chaque élément de façon chronologique. Ayant été convié par Kendal, du label Ritmo Fatale, puis validé par le Berghain, Arabian Panther aurait été l’élément déclencheur de l’annulation. Comme l’explique le producteur, après une signature de contrat en septembre 2023 et l’annonce de la soirée sur le site du Berghain début décembre, Tim Rosenberger, un des programmateurs du club, appelle Kendal pour lui signaler un souci lié à la ‘communication globale sur les réseaux sociaux’ d’Arabian Panther.

Tim Rosenberger continue en lui annonçant l’annulation de la venue du DJ et plus globalement de la soirée. D’après Kendal, le booker ne se voyait pas « au vu du contexte actuel, annuler un artiste pro-palestinien ». Depuis le début de son projet en 2019, Arabian Panther a toujours revendiqué ses racines arabes tant musicalement que politiquement. L’artiste assure ses gigs le visage habillé d’un keffieh et a toujours communiqué son soutien à la cause palestinienne. Bien que Kendal ait demandé à Tim Rosenberger de pointer ce qui le dérangeait dans la communication d’Arabian Panther, le booker n’a rien précisé de plus. Il a simplement été suggéré à Kendal de taire la raison et d’annoncer l’annulation de la soirée en la justifiant par des travaux imprévus dans la salle du Panorama Bar, où devait se tenir la nuit italorama.

 

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Une requête déclinée par Kendal qui a préféré jouer la carte de la transparence avec son invité. Ce dernier tente alors d’ouvrir une discussion avec les équipes du Berghain. En vain. « Le problème est leur refus de dialoguer, estime Arabian Panther. Je ne conclus rien sur leur position politique. Les pressions peuvent peut-être venir de plus haut en Allemagne, mais cela reste de la censure. Si ma position pro-palestinienne ne plaît pas à une partie de leur public et qu’ils m’annulent, c’est extrêmement regrettable. » Après son annonce, Arabian Panther reçoit beaucoup de soutien mais aussi des menaces de mort via ses réseaux sociaux. Si ce torrent médiatique se révèle « dur » à traverser pour l’artiste, il tient à préciser : « Je ne demande à personne de me croire ou de soutenir les causes qui me sont chères. Je me contente de raconter les faits autour de ce booking, qui ont été non-professionnelles. Ma carrière est peu importante au regard de ce qu’il se passe actuellement dans le monde. J’étais bien conscient qu’un tel communiqué aurait des répercussions ».

 

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L’une d’elles a eu lieu dans la foulée. Il s’agit de l’annulation du showcase de BFDM records initialement prévu au Berghain ce jeudi 18 janvier. Face à « la censure dont fait l’objet Arabian Panther », les membres du label lyonnais, par solidarité avec leurs homologues toulousains de Ritmo Fatale, ont préféré ne pas assurer la soirée. Contactés, les membres de l’équipe booking du Berghain n’ont pas souhaité nous répondre. 

Ce silence adopté par de nombreuses institutions culturelles met la vie culturelle berlinoise en danger. Cette situation d’urgence a été dénoncée dans une lettre ouverte signée par près de 6000 artistes. En attendant, les annulations continuent de pleuvoir sur Berlin puisque le CTM Festival vient de recevoir les annulations de Manuka Honey, Jyoty et de NZE NZE. Des décisions soutenues par Strike Germany. Ce mouvement allemand appelle au boycott des institutions de la capitale au nom de « la liberté d’expression et en particulier des expressions de solidarité avec la Palestine ». Ce remue-ménage devrait pousser la ville et les établissements culturels à réagir pour ne pas laisser les artistes et leur public dans une telle impasse.

 

Par François Brulé

 

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UPDATE / MISE À JOUR :

La situation en Allemagne a évolué depuis la rédaction de cet article. En effet on apprend, via un communiqué officiel du sénat allemand que Joe Chialo, sénateur allemand en charge de la Culture, est revenu sur la « clause anti-immigration » qui posait souci : la clause avait révolté une part du public. Cela avait également lancé le mouvement de grève des artistes allemands sous la bannière ‘Strike Germany’.

Dans le communiqué mis en ligne ce 22 janvier, on peut lire les mots du sénateur Joe Chialo : « Je continuerai à oeuvrer pour le développement non discriminatoire de la culture berlinoise. Mais je dois prendre au sérieux les voix juridiques et critiques qui considèrent la clause introduite comme une restriction à la liberté artistique ».

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