Born Idiot : « Cet album est une ode à la fin du monde » | INTERVIEW

par | 26 09 2025 | interview

Dix ans après leurs débuts et quatre ans après leur dernier projet, les Rennais de Born Idiot signent leur retour avec Infinite Life Trauma. Un album de la maturité qui explore les fractures d’un monde en ruines. Quelques heures avant leur passage sur la scène du Supersonic à Paris, nous avons rencontré Lucas Benmahammed, Louis Kuipers et Clément Le Goff : trois des membres fondateurs du groupe indie-pop breton. 

Qui fait quoi au sein du groupe ?

Lucas Benmahammed : Je suis chanteur et guitariste du groupe Born Idiot.

Clément Le Goff : Je suis le fidèle compagnon de Lucas, je joue de la basse et du clavier-basse.

Louis Kuipers : Je suis un peu l’homme de l’ombre. J’ai bougé de postes au fil du temps, du clavier à la guitare.

De gauche à droite : Lucas Benmahammed, Clément Le Goff, Guilherm Frenod, Tiago Ribeiro, Louis Kuipers © Evan Lunven
De gauche à droite : Lucas Benmahammed, Clément Le Goff, Guilherm Frenod, Tiago Ribeiro, Louis Kuipers © Evan Lunven
Pouvez-vous rappeler l’histoire du groupe ?

L.B. : L’histoire avec grand H ?  C’est avant tout une histoire de rencontres… souvent en soirée. On s’admirait mutuellement. 

C.LG. : J’aimais beaucoup Betty The Nun, l’ancien groupe de Lucas.

L.K. : L’anecdote de mon arrivée est assez rigolote. Lucas avait posté sur Facebook : « Qui veut jouer du clavier dans mon groupe de merde ? ». Je ne savais pas du tout en jouer à l’époque, mais j’ai quand même répondu parce que je savais Betty The Nun était cool et j’avais envie de faire partie du groupe.

C.LG. : Moi aussi, j’ai bluffé pour la basse !

L.B. : Clément nous a fait croire en soirée qu’il savait jouer de la basse, pour rejoindre le groupe… Et on a vu à la première répète que c’était faux (rires). Mais comme on était super potes, on l’a gardé. Il a bossé et ça l’a fait.

L.K. : Avec Lucas, on a aussi passé deux mois à la fac de musicologie ensemble…

L.B. : On a grugé les bourses de l’État — si ça, c’est pas punk ! En gros Born Idiot, c’est l’histoire d’un groupe de potes. Il y a eu quelques changements de membres, mais après presque dix ans, c’est surtout une aventure humaine, avec ses hauts et ses bas, comme dans un couple !

Vous sortez donc un nouvel album, quatre ans après le précédent. Pourquoi cette pause ?

L.B : Comme beaucoup, on a traversé le Covid et ça a été compliqué. Chacun a lancé ses projets à côté, ce qui nous a un peu empêchés de regagner l’énergie qu’on avait perdue. 

L.K. : Et c’est revenu grâce à Leroy Merlin ! 

L.B : Non, ne dis pas ça… On voulait sortir l’album dans tous les cas. 

L.K. : Oui mais la belle histoire, c’est qu’une de nos chansons a été utilisée dans une pub pour Leroy Merlin. Ça nous a permis de nous autofinancer, sans pression de labels ni recherche de fonds. On a pu tout faire nous-même sans se prendre la tête. Mais ce n’est pas grâce à Leroy Merlin, c’est grâce à notre chanson. 

Comment décririez-vous ce nouvel album, Infinite Life Trauma ?

L.K. : Sombre.

L.B. : Mélancolique aussi. 

L.K. : Ah oui, plutôt introspectif que sombre. Les textes sont plutôt pessimistes.

L.B. : C’est une ode à la fin du monde sur des refrains pop qui apportent un peu de lumière. C’est cynique finalement.

C.LG. : Personnellement, je n’ai pas trop fait attention aux paroles mais musicalement, je trouve que c’est notre album le plus abouti, le plus travaillé au niveau des arrangements. On est vraiment contents du résultat final. 

L.B. : On est contents de le réécouter, même quatre ans après.

L.K. : C’est l’album de la maturité. 

Vous jouiez déjà certains morceaux de l’album en live il y a quelques années. Quatre ans après, les textes sont-ils toujours d’actualité pour vous ?

L.B. : On jouait déjà « Lonesome », « Infinite Life Trauma » et « New Age ». Je dirais qu’ils sont même encore plus forts aujourd’hui. 

L.K. : Le contexte politique français et mondial résonne encore plus avec les textes qu’on a écrits il y a quatre ans. On s’oriente vers une fin du monde finalement, donc bon…

Quel est votre morceau préféré de l’album ?

C.LG. : « Harvey Wind » je pense

L.K. : J’ai envie de dire « The Last Bisou ». Il y a des enchevêtrements de mélodies vraiment bien foutus. 

L.B. : « Infinite Life Trauma ». J’aime le côté riff continu où tu places ta voix, où il n’y a pas beaucoup d’accords : tu dis juste ce que tu as à dire. J’aime aussi le côté sombre des couplets et le refrain très pop, qui ramène quelque chose de beaucoup plus lumineux.

Et quel est le titre que vous avez le plus hâte de jouer en live ?

C.LG. : « Between Earth And Space » parce qu’on l’a arrangé d’une manière différente de l’album, un peu plus disco. Ça danse !

L.K. : J’ai envie de dire « New Age ». On a tendance à aimer réarranger certaines parties des morceaux pour le live et « New Age » a une fin bien longue qui tabasse.

L.B. : Encore « Infinite Life Trauma » (rires) parce que c’est introspectif et je trouve que c’est un titre assez épuré, tout est à sa place. 

Comment définiriez-vous le « son Born Idiot » ?

C.LG. : Je dirais « chorus ». On a beaucoup utilisé cet effet-là avec nos guitares, sur tous les albums. 

L.K. : C’est fourni, il y a beaucoup d’infos, ça s’entremêle bien. Il y a plein de mélodies à droite à gauche, des renversements d’accords volontaires…

L.B. : Doux dans la musique, violent dans le texte !

L.K. : Antinomique, finalement…

Born Idiot © Evan Lunven
Born Idiot © Evan Lunven
Quelles sont vos influences ?

L.B. : Mon groupe du moment, c’est Get Down Services. Je les ai vus dans un petit festival complètement gratuit dans un petit bled ouvrier de Belgique flamande où il faut ramener des piles pour pouvoir rentrer. C’était incroyable.

L.K. : Mais du coup ça ne marche pas pour les inspirations. 

L.B. : Ouais, c’est vrai que du coup ça colle moins. Ce sera une inspiration pour la suite, je pense.

L.K. : Sinon jusqu’ici Mac deMarco, The Strokes, Beach House, Beach Fossils… 

C.LG. : Et les Beatles évidemment. 

Deux membres du groupe ont quitté le navire et deux autres l’ont rejoint, comment ça se passe ?

C.LG. : Tiago Ribeiro et Guilherm Frenod ont bossé sur l’album avec nous. Suite à leur départ, Federico Climovich et Alex Renault nous ont rejoints à la batterie et au clavier pour le live.

L.B. : Quand on a décidé de relancer le live pour l’album, on en a parlé tous les cinq avec Tiago et Guilherm et on a mesuré un peu les motivations de chacun. Et finalement ça ne fait pas de mal de jouer avec d’autres gens, ça relance un peu la dynamique.

L.K. : Ça s’est très bien passé, il n’y a eu aucune embrouille.

L.B. : Et maintenant, on parle de réécrire ensemble, à cinq, avec les nouveaux. 

Ça fait dix ans que Born Idiot existe, quel est votre meilleur souvenir avec le groupe ?

C.LG. : Pour moi, c’est quand on tournait avec Cold Fame, on a fait des super dates. J’ai adoré la date à Toulouse au Bikini en première partie de L’Impératrice ! C’est une des dates les plus cool qu’on ait faites. 

L.K. : J’ai le souvenir des premières répètes à Mordelles et on préparait le premier concert. On a senti qu’un truc se passait, ça mettait des papillons dans le ventre.

C.LG. : Ah et puis le studio du premier album ! On était dans une longère à la campagne pendant une semaine, tous ensemble. 

Et votre pire souvenir ?

L.B. : Clément le sait : pour moi, c’est le Bikini à Toulouse parce qu’en arrivant à l’hôtel, je suis rendu compte que j’avais oublié mon sac avec mon Mac sur le parking. J’ai dit à Clem que j’allais conduire pour aller le récupérer, mais je lui ai demandé de m’accompagner. Et en sortant du parking de l’hôtel, j’ai éclaté le camion de la tournée ! Après, j’ai essayé de négocier avec les tourneurs et ça n’a pas du tout marché. J’ai dû payer 1700€. 

C.LG. : Mais il a quand même récupéré son sac !

L.K. : Moi mon pire souvenir, c’est quand on s’est fait une semaine tous les cinq pour essayer de relancer le groupe. On avait passé trop de temps les uns sur les autres, donc on a fini par s’embrouiller avec Lucas. Et puis on y allait pour composer quelque chose, mais rien n’est ressorti de nos jams.

C.LG. : Oui, moi aussi, c’est mon pire souvenir !

Born Idiot © Evan Lunven
Born Idiot © Evan Lunven
Êtes-vous toujours les mêmes « branleurs » qu’au début, ou la maturité a-t-elle finalement rattrapé Born Idiot ?

C.LG. : Disons qu’on fait les choses moins à l’arrache. 

L.K. : On est à l’heure déjà !

L.B. : On se respecte plus, on fait plus attention les uns aux autres. Avant, ce n’était que la fête tout le temps. 

L.K. : On a tous passé trente ans maintenant… sauf Alex !

Après 10 ans, vous avez encore des rêves ?

L.K. : On se met moins la pression pour réussir. On est plus tranquilles là-dessus. On est moins ambitieux. Mais à chaque fois qu’on joue, ça nous effleure quand même l’esprit : ça pourrait être cool que le groupe explose un jour. 

L.B. : L’unique but, c’est l’honnêteté. Pas de tricher ou d’essayer de lécher des bottes. Personnellement, je déteste ça. J’ai vraiment du mal avec ce principe de « réussite à tout prix ». Le principal, c’est le plaisir, l’authenticité. Je trouve que les retours qu’on a maintenant que l’on se prend moins la tête sont encore meilleurs. 

C.LG. : Ce n‘est que du bonus maintenant. On essaye de faire des dates qualitatives, sans se mettre en difficulté technique. 

Cet album, c’est une suite ou une fin pour Born Idiot ?

L.K : À la base, il devait s’appeler The Last Bisou. Mais on a changé parce que finalement, on ne pense pas que ce sera le dernier bisou. 

L.B. : Ce sera Infinite Life Trauma du coup, un traumatisme infini. Le groupe qui ne terminera jamais.

Le mot de la fin ? 

L.B. : Fuck Macron !

L.K. : Fuck Macron ouais ! Et fuck Lecornu aussi tant qu’on y est. 

C.LG.: Moi, je ne parlerai pas de politique.

L.B. : Ça n’engage que moi !

L.K. : Et moi…