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26 novembre 2024

M pour Montréal : la découverte, le frisson | LIVE REPORT

par Corentin Fraisse

On a retrouvé le festival M pour Montréal, devenu rendez-vous incontournable, qui met en vitrine les artistes émergents, québécois et canadiens. L’accent était mis cette année sur la scène rock et post-rock, mais aussi pop avec quelques poussées électroniques. Récit de quatre jours de furieuses découvertes, de coups de coeur et de partage au bord du Saint-Laurent.

On le sait bien, le Québec et Montréal ont souvent un temps d’avance en musique. On est allés lorgner du côté de M pour Montréal, qui fêtait cette année sa dix-neuvième édition. Depuis sa création en 2006, le festival se tient sur 4 jours et met en avant des dizaines d’artistes canadiens, pour un public constitué en partie des professionnels de la musique (labels, tourneurs, représentants de festivals, journalistes, attachés de presse…)

Ils viennent se rencontrer et dénicher la prochaine pépite. Comme un cousin germain du MaMA parisien, mais dans plus de lieux (si si, c’est possible). Avec en plus et au même moment, le festival Marathon créé il y a quatre ans, lui aussi défricheur; et qui est devenue une part importante de M pour Montréal… Y’a du boulot, en piste.

 

Premier soir aux ‘Foufs’
Soleil Launière

Soleil Launière © Camille Gladu-Drouin, photograhe

Il est 18h30 mercredi et la nuit est déjà tombée sur Montréal, quand résonne le premier accord de guitare pour le showcase de Soleil Launière. La chanteuse-performeuse est issue des Pekuakamiulnuatsh, peuple de la première Nation du Canada. Attachée à ses racines de ‘natives’, Soleil Launière les incorpore sur scène : rythmiques tribales, postures, peintures guerrière et cris d’animaux. En fin de concert, elle lit un à un les noms de Femmes natives tuées l’an dernier avant de chanter « Nous sommes vivantes même sous terre, nous sommes criantes même sans air ». Voilà une entrée en matière.

 

Lire sur tsugi.fr : Parité : pourquoi la scène montréalaise a dix ans d’avance sur nous ?

 

Le lieu qui accueille cette première soirée de concerts s’appelle Les Foufounes Electriques, institution de la scène underground montréalaise depuis 40 ans, régulièrement comparée au CBGB de New-York. Nirvana y a notamment joué en septembre 1991, juste avant de sortir Nevermind. L’endroit est doté de deux salles. Alors quand un showcase se termine, tout le public se dirige vers le suivant dans l’autre salle… Et ainsi de suite.

On passe en face pour Unessential Oils (fringant groupe dont on reparlera plus tard) ; puis c’est Vox Rea, duo de soeurs from Toronto passées expertes des harmonies à deux voix ; le groupe Grand Eugène, max de fun et musique cinématique, entre pop funk recherchée et compos intimes (supplément bassiste aux licks savoureux). On a du mal à s’arrêter de chanter leur « Voulez-vous vous endormir jusqu’à demain? » ; moins charmé par la pop assez fade de Penny Jane, issue du populaire groupe local TOPS ; en revanche très séduit par l’élégance de Fleece, leurs structures intéressantes, leurs voix impeccables, de ce style dandy à la Metronomy. Le batteur si tu nous lis, on ne t’oubliera jamais.

grand eugene fleece

Grand Eugène // Fleece © Camille Gladu-Drouin, photograhe

 

Talks et conférences

Tout avait commencé tôt ce matin-là, pour une rencontre appelée « M4DUMMIES, séance d’orientation » dans l’antre de la bien-nommée Esplanade Tranquille, au-dessus d’une patinoire, au cœur du Quartier des spectacles. On y reviendra plusieurs fois, notamment pour des talks-conférences. L’une d’entre elles nous a notamment marqués : ‘Accessibility in live music’, autour de Rory McLeod (Xenias Concerts), Morgan Sutherland (Rifflandia Entertainment Co.) et de l’artiste américaine Sabeerah Najeeullaht/ Najee, DJ et atteinte de handicap, également militante de la communauté.

Accessibilité montréal

© Corentin Fraisse

Y a-t-il suffisamment de ponts avec les personnes handicapées, assez de représentation, d’initiatives ? Comment les salles et festivals peuvent-elles s’améliorer sur l’accessibilité ? Des axes sont abordés : faire des guides détaillés pour celleux qui voudraient créer leur festival et le rendre accessible à tous. Encourager les partenariats entre la communauté et les personnes valides. Donner un maximum d’infos en amont (photos, distances sur site) pour leur public handicapé.

 

Lire sur tsugi.fr : Chansigne, quand les mains racontent la musique

 

Et surtout de manière générale, s’emparer du sujet et ne plus faire comme s’il était à la marge : au Canada, un quart de la population souffre d’un handicap ou d’une ‘incapacité’. Penchons-nous sur les bons exemples (les festivals Bass Coast ou Mat The Alien) et suivons le conseil de DJ Najee : « Devant un concert, venez dans un moshpit avec des handicapés. Ça déboite ». Amen.

 

« We need to get out of here »

De la découverte, rien que de la découverte. Avant d’arriver à M pour Montréal, on n’avait que très peu écouté les artistes à la prog, volontairement. Ce faisant, on a pu se laisser séduire par les projets présentés. Au Café Cléopâtre, boîte à cabaret et ex-strip tease, on a adoré le groupe DVTR avec son esprit punk foutraque qui nous a autant rappelé Dalle Béton que le Sexy Sushi des jeunes années…

Mais aussi Population II entre psyché, heavy métal et proto-punk avec même des accents jazz. Une chanteuse s’ajoute en fin de set, et ça sait gueuler par ici. La bande n’oublie pas d’être drôle et lâche « please buy our show, we need to get out of here ». Si c’est là vôtre souhait, en tout cas cette musique mérite de traverser les frontières.

DVTR // Population II

DVTR // Population II © Camille Gladu-Drouin, photograhe

 

Belles surprises aussi le temps d’un tendre après-midi au NOMAD. Autour de la pop entêtante du jeune Velours Velours, des inspirations et textures folk du guitariste Wyatt C Louis, de la voix haut perchée et des chansons douces de Merv xx Gotti.

On aura eu peu de bonbons électroniques à se mettre sous la dent, mais néanmoins trois points d’orgue : le très bon set de la Française Cléa Vincent qui nous a aidé à combattre le jet-lag au Quai des Brumes ; le showcase à l’Escogriffe du groupe Pallmer, boucles électroniques tapissées d’un violon et d’un violoncelle ; puis la soirée ‘Queen & Queer’ au Ritz PDB. Autour de DJ Sam et de DJ Maya, c’était une nuit aux claires influences orientales, ponctuée de shows et de danses sur scène, en solo ou en couple. Il fait 800°C là-dessous ! On quitte les lieux sur un sample de ‘La Hafla’, track des Parisiens Acid Arab avec Sofiane Saidi. Le bonheur est dans les choses simples.

 

Coups de coeur éternels

Durant cette semaine à M pour Montréal, trois projets se sont clairement démarqués dans nos esprits. Et on les a vite placés dans la catégorie ‘coups de coeur’ de notre petit palmarès perso. Unessential Oils fut le premier d’entre eux : la formation de Warren Spicer maîtrise les atmosphères planantes et présente une musique hybride, tantôt rock tendre, tantôt art rock sauce Mac DeMarco (si ça a du sens pour vous). La voix est claire, le batteur impeccable, la distorsion et le delay du saxophone font toujours leur effet. Musique fournie, sans être surchargée.

unessential oils montréal

Unessential Oils © Camille Gladu-Drouin, photograhe

 

Illumination devant Charlie Houston, qui vogue entre pop-rock adolescent et indie pop. Elle accapare l’attention, ses textes sont terriblement efficaces, la voix est droite et les mélodies restent (coup de chapeau pour le titre « What Do We Do Now ? »). Charlie a une facilité déconcertante à écrire des chansons canons qui nous font capoter. Un album sort en janvier ? On a déjà hâte.

 

On complète ce podium avec Alias, du punk qui tâche très gras. On n’a pas compris pourquoi mais, à cet instant ou on avait besoin de bouchons d’oreille, on n’en a retrouvé qu’un dans notre poche. Notre tympan gauche a mis quelques temps à s’en remettre. Alias déploie une énergie folle, à trois sur cette toute petite scène. Batteur solide et bassiste force tranquille. On verse même vers l’hypno punk avec des synthés vénéneux. Aurions-nous trouvé le chaînon manquant entre IDLES et LCD Soundsystem ?

ALIAS // Charlie Houston © Camille Gladu-Drouin, photograhe

 

Quatre jours sur la corde à linge

On quitte à peine le festival, que déjà la nostalgie et la fomo nous suivent jusqu’en Europe. On retient quatre jours de découvertes musicales intenses,  on repart avec de la musique dans nos bagages et des souvenirs de lives marquants. Grâce au travail de Mikey Rishwain Bernard (DA) et du programmateur Mathieu Aubre, mais aussi à toute la team M pour Montréal, on a pu vivre pleinement le frisson de la découverte. Rarement on a pu voir un événement aussi bien organisé (jusque dans les détails), dans des salles de spectacles aussi éparpillées au sein d’une même ville.

On retiendra de Montréal sa chaleur, son coeur battant pour toutes les musiques, cette passion locale pour la pumpkin spice et les ‘gommes’ à la cannelle, mais aussi la viande fumée de chez Schwartz et le trio ‘hotdog steamé / poutine / breuvage’ au Poolroom, le café Santropol à Mont-Royal et le Parc Lafontaine. On rentrera même avec des souvenirs concrets, un chandail acheté au marché Floh et une calotte (casquette) à la boutique des Canadiens de Montréal…

Montréal, merci pour l’accueil. M pour Montréal, on reviendra. C’est certain.

 

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Meilleurs moments : Le podium Charlie Houston/Unessential Oils/Alias, Pallmer et la soirée ‘Queen & Queer’

Pires moments : Les lives encore trop peu aboutis de Lubalin et de Claudia Bouvette, qui jouaient pourtant devant des publics larges dans la grande salle du Club Soda. Peut-être nous les a-t-on servendus.
+ Ne plus pouvoir utiliser « c’est correc » dans une phrase sur deux, depuis qu’on a reposé le pied sur le sol français

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© Camille Gladu-Drouin, photograhe

 

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