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© Eetu Ahanen
11 avril 2019

Pour ses deux ans, le Hasard Ludique s’installe sur 2000m² de la Petite Ceinture

par Clémence Meunier

Il y a deux ans, ils étaient peu à s’aventurer le soir Porte de Saint-Ouen pour aller boire un verre, manger un bout ou assister à un concert. Il faut dire qu’il ne s’y passait pas grand-chose à cette Porte de Saint-Ouen, carrefour paumé sur l’une des branches de la ligne 13, ayant comme seul décor le massif hôpital Bichat. Et là, surprise : en 2017 ouvrait le Hasard Ludique, dans les murs d’une ancienne gare de la Petite Ceinture, au même titre que la Recyclerie de la Porte de Clignancourt ou feu la Flèche d’or de la rue de Bagnolet. De grandes fenêtres, de grands espaces, les rails en contre-bas et un quai aménagé en terrasse avec poufs et petites tables… Il fait bon vivre au Hasard Ludique, qui depuis sa création a pour objectif de défendre des projets inclusifs et solidaires, où se mélangent familles du quartier et gens venus pour les concerts programmés dans la petite salle de 270 places. La nuit tombée, ce sont des formats club qui prennent le relais, tandis que le midi d’autres profitent de l’offre de restauration. Un lieu de vie, un lieu de quartier, qui soufflera ses deux bougies les 27 et 28 avril, avec un changement de taille : le Hasard Ludique fera sauter les barrières et fêtera son anniversaire directement sur les rails de la Petite Ceinture, dans un espace de 2000m² que l’équipe n’avait jamais pu exploiter à ce point. Hâte. En attendant, on a discuté avec Vincent Merlet, le co-fondateur et responsable communication du lieu.

Le Hasard ludique est un lieu hybride entre resto, bar, salle de concert et club. Mais le Hasard Ludique, c’est qui ?

Toute activités confondues, on est une quinzaine, dont 7-8 du côté des bureaux, à peu près le même nombre de personnes pour la régie ou le bar. Côté resto, on a maintenant délégué la cuisine aux Cuistots migrateurs, qui travaillent avec nous depuis un an et collent vraiment à ce qu’on voulait. Déjà, parce que c’est super bon (rires). Mais aussi parce qu’ils ont un projet social et solidaire qui nous intéressait beaucoup : ils embauchent à 80%, en CDI, des cuisiniers qui ont le statut de réfugiés. Ils les aident à s’insérer en leur donnant un travail donc, mais aussi des cours de français, un coup de main sur l’administratif ou la recherche d’un logement. Nous sommes une coopérative et attachés à certaines valeurs (l’ancrage dans le quartier, le lien social, l’innovation sociale à notre petit niveau). Et ça collait bien à la ligne artistique du Hasard Ludique, où l’on défend souvent des musiques métissées, hybrides – vu qu’eux-mêmes mixent des cuisines du Moyen-Orient, du Népal, du Bangladesh ou d’Afrique de l’Est.

Que veux-tu dire quand tu parles d’ancrage dans le quartier ?

Avant même que le lieu n’existe dans sa forme actuelle, on a lancé La Fabrique du Hasard Ludique, il y a quatre ans, bientôt cinq. La démarche était d’impliquer les riverains dans la construction du Hasard Ludique, aussi bien conceptuelle que matérielle. Ça a duré deux ans avant l’ouverture, pendant lesquels les gens ont vraiment participé à la réflexion sur les futurs contenus, usages, programmations, activités, et aussi sur un gros projet de design collaboratif – toute la charte graphique du lieu et la décoration intérieure a été pensée avec les habitants. On a eu plus de 1000 « bâtisseurs ». Une fois que le Hasard Ludique a ouvert, on s’est demandé ce qu’on allait faire avec cette motivation, ça aurait été dommage que ça retombe ! On a donc décidé de leur confier chaque année un gros temps fort de notre programmation, en créant le Festival Fabrique qui a lieu en juin. Ça dure trois jours et ils ont carte blanche. Des comités d’habitants réfléchissent ensemble à la DA, les thèmes, la com’ et la programmation de ce festival. C’est chouette, ça change vraiment, et surtout ça crée du lien : les riverains se rencontrent, entre jeunes, vieux, gens très connectés ou personnes plus éloignées des offres culturelles. Et chaque année on est surpris ! Ils nous ont proposé des concepts d’événements hyper audacieux, voire complètement barrés. De manière un peu bête, on s’attendait à une grande kermesse, quelque chose de facile. Mais pas du tout : il y a deux ans, ils nous ont proposé de créer un événement autour du langage émoticône, avec une démarche hyper marrante, et par exemple une conférence sur les nouveaux langages emojis. Ou une scène ouverte hip-hop très cool avec des crews de rappeurs du quartier, des jeunes qui n’auraient pas nécessairement pensé à venir ici autrement. Cette année, on devrait partir sur un tribute pour les 50 ans de Woodstock. Nous, on est là pour vérifier que ces propositions sont réalisables concrètement, en termes de budget ou d’organisation, mais ces « voisins » arrivent avec des propositions originales et une vraie démarche. C’est assez représentatif de la singularité du Hasard Ludique.

© Fleas Pictures

Vous fêtez vos deux ans ce mois-ci…

On est parti d’une petite baseline. L’année dernière, pour notre premier anniversaire, c’était « Le Hasard Ludique prend son envol ». Cette année, c’est « Le Hasard Ludique est sur de bons rails », pour poursuivre cet envol et occuper cette Petite Ceinture qui nous tend les bras depuis tant d’années. On va vraiment pouvoir faire une belle fête sur ces rails qui n’attendaient que nous !

Pour le moment, la Petite ceinture est en train d’être nettoyée, c’est ça ?

Oui, un chantier d’insertion missionnée par la SNCF est en train de nettoyer les tronçons ouverts au public comme les autres, car malheureusement cette Petite Ceinture est trop souvent considérée comme une déchetterie à ciel ouvert. Les gens y jettent leurs encombrants, et, on a beau adorer les street-artists, ils ont tendance à balancer toutes leurs bombes après avoir graffé. Et puis la nature a un peu repris ses droits, avec des arbustes de deux mètres de haut qui ont poussé un peu partout, il va falloir élaguer avant qu’on puisse faire la fête fin avril !

C’est une des premières fois où vous pouvez utiliser cet espace sur les rails. Ça se reproduira ?

Historiquement, la Petite Ceinture appartient à la SNCF. Mais depuis quelques années, la Mairie de Paris pousse pour que ces espaces de respiration en plein Paris soient réouverts. Des négociations sont en cours pour déléguer la gestion de cette Petite Ceinture à la ville de Paris – dès que cette convention est signée, on pourra ouvrir ce tronçon aux visiteurs du Hasard Ludique. On parle du mois de juin, avec comme idée d’ouvrir ça pour l’été. Pour le moment, l’anniversaire est un one-shot, ou presque parce qu’on va ouvrir les rails également lors d’un futur Marché de l’Illustration impertinente – c’est une sélection d’illustrateurs un peu coquins, décalés ou drôles.

Quels sont les critères pour avoir accès à cette Petite ceinture ?

Des critères de sécurité et de nuisances potentielles, et puis le paiement d’une redevance. On loue le quai à l’année, et on doit louer également les voies ferrées pour notre anniversaire et le marché de l’illustration. On parle de 1500 euros pour les deux jours, ce n’est pas rien, d’autant que ce sont des événements qu’on produit nous-mêmes et pour lesquels on ne reçoit pas de subvention. Les gens pensent souvent qu’on est un lieu appartenant à la Mairie de Paris et que l’on est largement aidés financièrement, or pas du tout, nous sommes un lieu privé, et la Mairie a simplement financé une partie des travaux avant que l’on n’ouvre – le bâtiment, que nous louons à l’année, leur appartenant.

A quoi s’attendre pour cet anniversaire ?

On va mettre une petite scène sur les rails, en invitant des DJs de collectifs avec qui on travaille à l’année. Mais aussi un terrain de pétanque, la Douche-box (une cabine de douche dans lequel tu peux faire un karaoké, c’est très drôle), une fanfare avec un répertoire hyper pop, des happenings surprise, un barbeuc’… Tout ça le samedi en journée et en accès libre. Et le soir, on passe en mode club, dans la gare cette fois, avec une grosse nuit de sonorités afro-electroniques, avec Nihiloxica, ce génial groupe ougandais de techno instrumentale, transe shamanique, bien barré. On ouvre leur tournée européenne après qu’ils aient été repérés aux Trans Musicales l’an dernière. Bamao Yendé de Boukan Records viendra aussi faire un set afro-house, et on invite You Man en DJ-set pour finir la nuit avec de la dark disco. Tout ça sera pailleté, décoré, déguisé. Et le dimanche, on organise une chasse au trésor sur le thème du street-art pour les enfants, des jeux en libre service, un tournoi de pétanque (un truc sérieux, sur inscription, avec des cadeaux à gagner et organisé par des gens du quartier – gros niveau!). Deux ans, c’est encore jeune, mais on meurt tout le temps d’envie de faire la fête, donc une occasion comme un anniversaire on la saisit immédiatement ! (rires)

Les deux ans du Hasard Ludique, 128 avenue de Saint-Ouen, Paris 18.
Infos et billetterie sur l’event Facebook ou le site du Hasard Ludique.

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