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©Stefan Lozar
15 novembre 2021

🔊 Playlist NOUVEAUX FUTURS : ceux qu’on Ă©coutera demain selon December

par Emmanuel Haddek

Ă€ l’occasion de la sortie de son tout premier album le 12 novembre dernier, on a demandĂ© au Français December de nous parler de ceux qui vont faire, selon lui, l’avenir de la scène Ă©lectronique Ă  travers une playlist. 

Enfin. Dix ans que December nous fait languir Ă  coups d’EPs sortis sur les meilleurs labels de la scène Ă©lectronique « dark et coquine », comme il s’est souvent amusĂ© Ă  la dĂ©finir (Jealous God, Blackest Ever Black, Mannequin, Pinkman, Return to Disorder, Veyl…) et presque le mĂŞme temps qu’il Ă©cume les plus grandes scènes europĂ©ennes (Berghain, Tresor, Atonal, Reaktor, Katharsis). Alors après tout ça, un premier album (sobrement intitulĂ© DĂ©but) nous paraissait logique. Pas forcĂ©ment Ă  tout le monde puisque si December a entendu si longtemps, c’est parce qu’il redoutait cette fameuse malĂ©diction que l’on prĂŞte Ă  tous les premiers LPs. Avec DĂ©but, un album Ă©lectro-punk puissant, December vient conjurer le sort et entre dĂ©finitivement dans une nouvelle ère, pleinement assumĂ©e en tant qu’artiste. On a donc profitĂ© de cette sortie pour lui demander de nous dessiner le futur paysage de la scène Ă©lectronique, selon lui.

  • Significant Other – The Future Doesn’t Exist

Youth est un de mes labels prĂ©fĂ©rĂ©s depuis quelques temps. Ă€ l’anglaise, comme ils savent souvent le faire (pas toujours mais quand c’est bon, c’est très bon), un label qui reprĂ©sente parfaitement la modernitĂ© Ă©lectronique. Qu’ils sortent de l’ambient, de la jungle, de la techno breakĂ©e ou des collages post-electronica voir du trip-hop, tout est minimaliste et hybride, original, chaque morceau de chaque sortie mĂ©lange toujours beaucoup d’influences, c’est subtil et surprenant, recèle toujours de textures intĂ©ressantes. La classe. Et ce morceau de Significant Other en est l’exemple parfait. Ambiance Sheffield 2052.

  • Emma DJ – Coco Eckichii

Emile alias Emma DJ est un de mes plus vieux amis parisiens, je suis son évolution musicale depuis le tout début et suis très impressionné par la musique qu’il produit aujourd’hui. Après des sorties sur L.I.E.S, BFDM, High Digital ou Collapsing Market, il s’est lancé dans une ré-interprétation de la trap à sa sauce, chose à laquelle s’essaient la plupart des product.eur.rice.s de musiques électroniques de nos jours, plus en moins en scred, mais surtout avec plus ou moins de réussite à mon goût. Emile a su transposer son univers étrange et cru, émouvant et DIY, prolifique, au champ des possibles que la trap permet d’explorer. Il ne s’est pas contenter de singer la trap américaine en apprenant patiemment par cœur le petit livre du bon beatmaker et tous ses tics mais l’a fait à sa manière. C’est bizarre et très émouvant, bordélique et spontané et ça transpire la sincérité, pas le stratagème mi tendance mi finance. Son dernier LP, sorti il y a quelques jours sur UIQ (un autre excellent label anglais), le premier dans ce registre, est une merveille d’inventivité, de beauté et de second degré punk, pas cynique. C’est vraiment super beau.

December

Artwork de l’album « DĂ©but »

  • Vulkanski – Skeptical Answers

J’ai rencontré ce producteur géorgien quand j’ai joué à KHIDI, club incroyable à Tbilissi, cathédrale techno de béton au sound-system de feu. Il est DJ résident de cet endroit incroyable et a sorti son premier LP sur le label de Phase Fatale il y a quelques mois. C’est un de mes disques de club music préférés depuis un bon moment. Brut, primaire, puissant, punk et entêtant. Une série de sessions rythmiques crues et viscérales, où rien n’est de trop, pas de fioritures mais tout est à sa place. Il pourrait avoir été enregistré en 1990 autant qu’en 2035. « Skeptical Answers » est un morceau jouissif et vicieux. Cela me fait penser à Container en plus techno, version robot rouillé. Un bonheur à mixer.

  • Operant – Navigating Your Meat Suit (…)

Luna et August sont les deux aliens derrière Instruments Of Discipline, label de techno industrielle berlinois qui s’aventure de plus en plus en dehors des contrées codifiées et souvent ennuyeuses de la dark techno au kilomètre. Leur nouvel album sous leur alias Operant en est une démonstration flagrante. J’ai été frappé par l’originalité et la virtuosité de ce morceau qui mêle beat trap, éléments indus, mélodie émo, un synthé presque footwork et l’intensité de la noise. Difficile de se figurer ce mélange avant de l’écouter mais c’est pourtant une réussite totale, un des morceaux qui m’a le plus saisi récemment. Un de ces tracks qui opère et réussit la grande fusion des genres « futuristes » dont tant se vantent depuis quelques années mais dont si peu y parviennent.

  • Katatonic Silentio – Static Whip

Une des productrices les plus prometteuses de 2021, sans aucune hésitation. Cela fait quelques années que je suis son évolution et suis à chaque fois frappé par la profondeur, la complexité et la subtilité de sa musique. Encore une fois, beaucoup parlent de futur et se gargarisent de ce concept très tendance mais combien créent des identités musicales personnelles, singulières, élégantes ? Katatonic Silentio, selon moi, le font. Mélodie mélancolique et cavalcade pas bourrine ni indigeste de beats post IDM dont la production sonne comme un scalpel tranchant sans être froid. Courrez et écoutez-la.

  • NVST – Empire State Autohifive Zone 1994 Mix

>Autre musicienne à suivre, NVST me touche et m’impressionne aussi beaucoup dans sa liberté de produire et jouer un nombre d’influences et de genres extrêmement larges en étant toujours très personnelle, avec une approche très fine de la musique breakée qui peut parfois être trop démonstrative ou caricaturale. Pas chez elle. Mélangeant spoken word, ambient, IDM, jungle, dub, rave, collages expérimentaux ou trap avec une virtuosité déconcertante. C’est toujours sombre mais jamais pompier, délicat mais généreux, minimaliste mais ultra maîtrisé, poétique mais physique. Un équilibre parfait. La Suisse, c’est le futur.

Ă€ lire Ă©galement
Playlist NOUVEAUX FUTURS : l’avenir de l’électronique selon Yan Wagner

 

  • LISA – Peaceful Rest To The Living Dead

L’une des DJs rĂ©sidentes du 1O1 Ă  Clermont-Ferrand et productrice française, LISA fait partie – comme NVST – de mes chouchous de la « nouvelle scène » europĂ©enne. Je partage avec LISA cette affection particulière pour le pont entre la mĂ©lancolie 80’s et une certaine idĂ©e sonore du futur, une science-fiction Ă©mo, entre Drexciya et Boards of Canada ou Aphex Twin. Comme si les Ă©motions tragiques et naĂŻves de la new wave rencontraient la mĂ©lancolie tranchante de l’IDM. Ecoutez-la, vous verrez. Clermont, c’est le futur aussi.

©Gytis Dubauskas

  • Maoupa Mazzocchetti – Rekt II

Florent est un de mes plus proches amis et est aussi mon coloc de studio depuis que j’habite à Bruxelles où je me suis installé il y a deux ans. Et n’allez pas penser que je suis influencé par mon amitié quand je dis que c’est un musicien absolument génial. Je pèse mes mots. Il sait tout faire, tout jouer, a une inventivité complètement folle et un univers si particulier qu’il en est totalement fascinant. Et puisque l’on parle de ce fameux futur ici, ce sont des gens comme lui à qui l’on devrait confier la production des albums des pop stars du futur, des jingles des JT ou des hymnes nationales.

  • Eszaid – Notre Mer

>Un autre ami proche dont j’admire profondĂ©ment la musique, devenu un de mes musiciens Ă©lectroniques prĂ©fĂ©rĂ©s et m’influençant beaucoup, Eszaid rĂŞve Ă  un futur singulier. Plus nostalgique, mĂ©lancolique, poussiĂ©reux et fantomatique que l’image Ă  laquelle on associe souvent les temps Ă  venir. Quelque part entre Mika Vainio, Muslimgauze et une version aride et sombre, squelettique, de l’univers musical de labels anglais des 90’s comme Rephlex ou Skam, il compose une musique d’une subtilitĂ© rare. C’est glacial mais sa musique a une âme comme peu d’autres, subtile mais pas dĂ©monstrative.

  • Grouper – Disordered Mind

Le seul rapport au futur que je peux trouver avec Liz Harris aka Grouper, c’est que je peux affirmer sans aucun doute que dans trente ans j’écouterai encore ses disques. Parce que la question du futur c’est aussi ça : qu’est-ce qui peut durer et passer l’épreuve du temps, que l’on pourra encore écouter dans des années, hors des tendances et des courants artistiques qui parfois vieillissent mal, révélant souvent leurs tics rigides ou kitsch avec le temps. Mais l’on s’en rend rarement compte au présent, trop séduits, pris par les mouvances contemporaines qui s’inscrivent dans le corpus esthétique global d’une époque. Liz Harris est de ces artistes qui me bouleversent si profondément, au-delà des genres, des codes et modes. C’est une musique pure, à la beauté minimaliste au point que le temps semble n’avoir aucune prise sur elle. Une chose est sûre, je l’écouterai encore en 2051.

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