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© Sébastien Cottereau
10 mai 2024

INTERVIEW | Djedjotronic, nouvelle vague 

par Tsugi

Après plus de quinze ans de carrière et d’innombrables productions musicales —pour la plupart parues sur Boysnoize Records— Djedjotronic se lance dans l’aventure de son propre label, Superwave. À cette occasion, nous avons pu revenir avec lui sur sa carrière, les rencontres qui ont changé sa vie, son amour pour les genres musicaux « qui se finissent en ‘waves’ ». Evidemment, c’est riche en anecdotes.

Par Marion Sammarcelli

djedjotronic

Selon lui, Djedjotronic a eu la chance de faire des rencontres déterminantes, au début et tout au long de sa carrière. Il n’est pas donné à tout le monde de —presque— rencontrer Pedro Winter alias Busy P à un concert de Daft Punk, ni-même d’aller au Rex Club pour la première fois de sa vie en tant qu’artiste… et non pour faire la teuf.

Mais ce qui fait réellement sa force et son talent, c’est qu’il n’a jamais lâché. De rencontres presque fortuites avec un disque de Jean-Michel Jarre et un vinyle de Kraftwerk, en résulte un gamin passionné n’hésitant pas à prétexter une maladie à ses amis pour rester enfermé dans sa chambre toute la journée. Pas pour dormir, non : pour faire de la musique. Une musique empreinte d’un héritage profondément techno, EBM et rétro-futuriste. Dans le sillage d’une French Touch alternative portée par Kittin & The Hacker, Vitalic ou encore David Carretta. 

Voilà le cocktail explosif signé Djedjotronic. Aujourd’hui artiste avéré, il se lance dans son propre label, Superwave, lui permettant de renouer avec la spontanéité et une vision plus joyeuse de sa musique. Au programme ? Un déferlement de nouveautés. Rencontre.

 

 

Commençons par le commencement : qu’écoutais-tu quand tu étais adolescent ? 

(Rires) De la musique un peu inavouable. Enfin, des trucs d’adolescents du coup. J’écoutais pas mal de rock, de teenage rock, des groupes à guitares — un peu metal sur les bords — comme Deftones ou encore NOFX. Je jouais moi-même de la guitare dans une groupe au lycée. Et c’est comme ça que tout a commencé : c’est là que j’ai pris goût au fait de faire de la musique pour mes potes et moi.

 

Dans quelle mesure ces groupes à guitares ont-ils forgé ta musique aujourd’hui ?

C’est au niveau de l’énergie que cette musique me transmettait à ce moment-là. Dans ma musique électronique, dans ma techno, j’aime bien avoir une dimension assez physique, parfois un peu énervée. Quand j’étais ado, cette musique me procurait ces effets-là. Ça a sûrement continué d’infuser dans mes influences par la suite. J’ai aussi eu ma période grunge, metal. Puis, j’ai découvert la musique électronique. Après avoir écouté mon premier disque à 15 ans, j’ai revendu toutes mes guitares, mes amplis… et je n’ai plus fait que de la musique électronique (rires) !

 

Et c’était quoi ce premier disque ? 

En réalité, mon tout premier skeud de musique électronique, c’était bien avant mes 15 ans. C’était Oxygène de Jean-Michel Jarre, que mon grand frère avait eu pour Noël, le vinyle traînait à la maison… J’ai été fasciné par la pochette reprenant ce crâne peint par Michel Granger, puis par cet univers électronique futuriste. Ado, j’ai re-croisé la musique électronique et je suis tombé dans la marmite (rires). 

 

On connaît le premier morceau électronique que tu as écouté. Quel est le dernier morceau que tu as ajouté dans ta clé USB ?

J’en ai aucune idée (rires) ! Si on regarde le dernier morceau que j’ai ajouté dans ma clé et celui que j’ai écouté sur Spotify, ça va être très différent (rires). 

Sur Spotify c’est The Notorious B.I.G – « Only You » : parce qu’on s’est fait une petite boum hier soir avec ma fille, en rentrant du centre aéré (rires). C’était bon délire. Et dans ma clé USB, ça devait être The Spy ou un édit de DAF, parce que j’ai joué dans une soirée gothique à Londres le week-end dernier. 

 

Récemment, j’ai écouté un podcast dans lequel tu dis que si tu n’était pas devenu musicien, tu aurais forcément fait un métier artistique, comme peintre. Alors si tu devais peindre ta musique sur toile, qu’utiliserais-tu comme couleurs, comme formes ?

(Rires) C’est marrant parce qu’une fois on m’avait demandé de dessiner ma musique, j’avais fait une espèce de boule griffonnée… Un truc pas très ordonné, un peu bordélique, mais qui a le charme d’être honnête et spontané. 

 

Tes morceaux sont à la fois sombres, futuristes et robotiques : où puises-tu tes inspirations ? Dans quels films, quelles scènes musicales, quels imaginaires, quelles émotions ?

C’est vrai qu’on a parlé de Jean-Michel Jarre, mais il y a eu un disque encore plus important pour moi : Autobahn de Kraftwerk. C’est un copain qui me l’avait offert pour mon anniversaire. À ce moment-là j’avais encore une guitare que j’ai vendue juste après l’écoute de cet album (rires). Ça a été le déclic.

Puis ce pote écoutait aussi Aphex Twin et LFO… Quand j’ai découvert cette scène, je me suis dit que c’était exactement ce que je voulais faire comme musique. En terme d’imaginaires, j’aime les univers dystopiques, de science-fiction… Je pense à certains films de Stanley Kubrick comme 2001, l’odyssée de l’espace. En fait, j’aime bien le côté rétro-futuriste, une vision assez vintage de ce que peut être le futur.

 

Quand tu as commencé la musique électronique, tu as vendu toutes tes guitares. Mais quelle est la première machine que tu as acheté ? 

C’est en sampler Akai MPC2000 ! Et je crois qu’avec ça, j’avais une Yamaha RM1X. Mais je regrette de les avoir vendues. Parce qu’aujourd’hui avec les sonorités 90’s qui reviennent, j’aurais pu en faire bon usage. En tout cas, j’avais monté un petit live avec ces deux machines : je samplais beaucoup, tout ce qui me passait sous la main… J’avais aussi un ordinateur à côté avec le logiciel Fruity Loop. Et je ne faisais que ça de mon temps libre. Quand mes potes m’appelaient pour sortir, je prétextais une maladie (rires). 

 

L’année dernière, on a fait une interview avec Kittin et The Hacker. Ils disaient qu’aujourd’hui, dans ce qui se fait de nouveau, tu es une influence pour eux. À quel point en ont-ils été une pour toi ?

Oh c’est trop sympa de leur part ! Ça me touche tout autant à chaque fois, parce qu’ils représentent ma famille musicale. Je me reconnais tellement dans leur musique. Il y a un album de The Hacker qui m’a beaucoup marqué : Mélodie En Sous-Sol. Je l’avais samplé avec mon MPC2000 d’ailleurs (rires). Leur musique m’a beaucoup inspiré que ce soit The Hacker, Kittin ou les deux ensemble.

C’est surtout cette scène French Touch un peu périphérique qui m’a marqué. On parle souvent de Daft Punk, Air… Personnellement j’ai été beaucoup touché par la French Touch de Grenoble, Toulouse, du sud aussi avec Vitalic, Kiko, David Carretta, Terence Fixmer. Je suis ces mecs depuis longtemps et j’ai le sentiment de m’inscrire dans leur continuité. 

 

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D’ailleurs, quelles autres rencontres ont changé ta vie en tant que producteur ? 

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© Sébastien Cottereau

J’ai eu la chance de faire des rencontres déterminantes. La toute première, ça a été Popof : quand je suis arrivé à Paris pour faire mes études d’ingé son à 22 piges, je ne connaissais personne et j’avais déjà joué avec lui dans un club à La Rochelle. Il m’avait dit « quand tu arrives à Paris, tu m’appelles ».

Evidemment, en mec timide et asocial, je ne l’ai jamais appelé. C’est lui qui a fini par le faire, pour qu’on fasse de la musique ensemble. À ce moment-là, il essayait de se dégager de son projet hardcore et free parties avec les Heretik, il voulait faire un truc plus soft. On a donc monté un duo, c’est ce qui m’a ouvert les portes de tous les clubs parisiens. Je n’était jamais allé au Rex Club, et la première fois que j’y suis allé c’était pour y jouer (rires). 

Ensuite, il y a eu ma rencontre avec Pedro Winter alias Busy P. Sans qui je n’aurais peut-être pas signé sur Boysnoize Records. D’ailleurs, anecdote, la première fois que je l’ai croisé, il ne s’en rappelait pas. On s’était croisés lors de la tournée Alive de Daft Punk en 2007, à Nïmes, je m’étais fébrouillé pour avoir un pass backstage. Mon manager m’avait bourré les poches de CDs demo. Bien sûr; je n’en ai donné aucun (rires). Busy P a quand même eu ma démo, et m’a demandé de faire des remix pour des artistes de son label. Puis de fil en aiguille, Boys Noize m’envoie un message sur Myspace et je me retrouve à signer chez les Allemands. 

 

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Tu es à plus de quinze ans de carrière. On peut considérer que t’es un ancien maintenant. Que penses-tu de cette nouvelle génération qui remet les sonorités rétro-futuristes, new beat, synthwave, new wave, EBM, italo sur le devant de la scène ? Je pense à Kendal, son label Ritmo Fatale, Pablo Bozzi, Belaria, Zaatar… 

Ce sont des artistes avec lesquels je partage l’influence des influences communes. Je me sens connecté avec cette génération qui propose une musique aventureuse, fun, mettant de côté l’aspect puriste au profit du mélange des genres. Il y a des bonnes choses partout. J’aime aussi beaucoup ce que propose Lacchesi avec son label Maison Close. Mais la filiation musicale est encore plus évidente avec Kendal ou Belaria. J’ai toujours eu du mal avec les côtés ‘autoroute’ et ‘tunnel’ de la techno. J’aime quand il y a des virages, des chemins parallèles. 

 

Après avoir toi-même sorti tes albums et EPs sur plein de labels, tu lances le tien : Superwave. Pourquoi ce nom, qu’est-ce qu’il t’évoque ? 

Déjà, je trouve ce nom très musical. Je voulais quelque chose de positif. J’ai un univers qui est souvent associé à un esthétique dark et j’ai envie de m’en détacher. Parce que j’ai aussi tout un pan de ma musique léger, festif, joyeux. Ce mot est apparu de nulle part mais c’est aussi un clin d’œil à tous les genres musicaux qui se terminent en ‘wave’ : coldwave, synthwave, minimalwave… Ce label, c’est un endroit qui réunit toutes ces influences pour créer une superwave, c’est très ambitieux comme projet (rires). 

Et je fais ça avec l’aide de Thibault Perceval et trois bouts de ficelles, si j’ose dire. C’est un petit label totalement indépendant, avec peu de budget mais beaucoup de passion et d’amour. Après avoir passé 15 ans chez Boysnoize Records; j’avais envie de retrouver de l’indépendance et de la spontanéité. L’idée c’est de pouvoir publier un morceau sur les plateformes; deux semaines après l’avoir terminé et créer un circuit court avec mon public. 

 

Peux-tu nous parler du premier EP qui va paraître sur Superwave, Consequence avec Anna Lann. Pourquoi devrait-on absolument aller l’écouter ?

Parce que je crois que cet EP ne ressemble à rien de ce que j’ai pu proposer auparavant. 

 

Il y a dans cet EP deux versions du même track ; un original mix assez doux et une version club, plus percussive. Est-ce que cela annonce la couleur pour Superwave ? Cette dichotomie entre musique introspective et clubbing ? 

Exactement. J’aimerais faire des collaborations avec des chanteurs/chanteuses, amener de la voix dans mes productions. Parce qu’en plus de mon activité de DJ, je suis producteur. Par exemple j’ai produit l’album d’une artiste qui s’appelle Rein, sur lequel il y a beaucoup de voix, et je me suis rendu compte que j’adorais les travailler. Ça emmène les morceaux complètement ailleurs. Et, ça rejoint mon amour pour le projet Kittin & The Hacker. J’ai toujours aimé cette techno qui s’est créée avec un format presque pop, avec une structure couplet/refrain. 

 

Enfin, la techno est-elle toujours la musique du futur pour toi ? 

(Rires) J’ai dit, il n’y a pas longtemps, que c’était ‘une musique de vieux’. Disons que je crois toujours au pouvoir de subversion, de rébellion, que peut avoir la musique électronique, et c’est ce qui m’attire. Ça soulève les foules. Cette musique a toujours cette force. Elle n’a pas encore été broyée par le bulldozer mainstream et de l’industrie, qui atténue ce pouvoir subversif. De ce point de vue-là ce n’est pas une musique de vieux. Mais on va de plus en plus voir des DJs cinquantenaires, voire soixantenaires, derrière les platoches quoi (rires). Je pense que c’est une musique qui peut encore être résolument moderne.
 

Un truc dont on a pas parlé, et que tu aurais voulu aborder ? 

Un jour je me suis retrouvé un peu au hasard sur une couv’ de Tsugi. C’était avec Pedro Winter et DJ Mehdi en 2011, je ne devais pas du tout y être (rires). C’est marrant, quand je revois les photos, je n’étais pas super à l’aise… Je n’avais pas dit un mot pendant l’interview. C’était hyper impressionnant pour moi. Mais ça reste un super souvenir. 

djedjotronic

Le Tsugi n°38, ça ne nous rajeunit pas

À lire sur tsugi.fr :: Interview : DJ Mehdi, Busy P, Djedjotronic… Let the children techno!

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Superwave est lancé le vendredi 17 mai, en attendant les précommandes sont ouvertes sur bandcamp : foncez !

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