En explorant la programmation XXL du MaMA, une artiste a retenu notre attention : Luxie. Chanteuse, productrice et multi-instrumentiste, elle tisse une pop rêveuse et sensible sur des textures électroniques. On l’a rencontrée juste avant son showcase au Bar à Bulles.
Ce soir, tu joues au MaMA, comment te sens-tu à quelques minutes de monter sur scène ?
Je suis vraiment reconnaissante de pouvoir jouer ici, mais c’est un showcase un peu particulier, parce que je vais me produire devant des professionnels. C’est un vrai challenge : réussir à prendre du plaisir et à m’amuser sur scène tout en sachant que le public n’est pas celui qui m’écoute habituellement. Mon objectif, c’est d’arriver malgré tout à me sentir comme chez moi.
Être au MaMA, ça me permet aussi de défendre le fait que ce n’est pas parce que je suis une femme que je dois forcément être interprète : je produis aussi. Les femmes dans la musique, c’est un sujet qui me tient à cœur. Il y a tellement peu de femmes sur les plateaux qu’on a souvent le syndrome de l’imposteur.
Te sens-tu plus stressée que d’habitude ?
J’ai un peu de stress lié à ça, bien sûr, mais je me demande finalement si une seule personne peut réellement changer ma carrière. Avec les réseaux sociaux et tout ce qui évolue dans l’industrie musicale, j’ai surtout envie de croiser les bonnes personnes, celles qui comprendront vraiment ma musique.
Tu as déjà fait plusieurs concerts, dont les premières parties d’Isaac Delusion et Jay Jay Johanson. Qu’est-ce que la scène représente pour toi ?
J’ai toujours préféré le studio au live, parce que j’adore le moment de création et le fait de ne jamais savoir avec quel son je vais ressortir. Mais la scène me procure des bouffées d’énergie que je peux réinjecter ensuite dans mon travail. Quand on sent que le public est avec soi sur ses propres morceaux, ça rend le travail accompli en amont très concret. Finalement, c’est le partage qui nous rappelle pourquoi on fait tout ça.

Comment décrirais-tu ta musique à celles et ceux qui ne connaissent pas encore Luxie ?
Je suis productrice de musique électronique et pop. Ma musique est à la fois éthérée, entraînante et onirique. J’aime mélanger des sonorités ambient, de l’hyperpop et des moments plus breakés. Comme j’ai l’habitude de composer dans ma chambre et de tout faire sur mon ordinateur, ma direction artistique s’oriente naturellement de plus en plus vers l’électronique.
- À lire aussi sur Tsugi.fr : Hyperpop : de micro-genre à folie mondiale, les kicks pailletés s’imposent
Je m’inspire aussi beaucoup de visuels cinématographiques, notamment de films oniriques comme Le Château dans le ciel de Miyazaki.
Y’a-t-il des artistes dont le travail t’inspire ?
Je parle toujours de Grimes parce que c’est elle qui a lancé ce truc de « pop star aux machines ». Il y a aussi Aphex Twin pour tout ce qui est expérimental, mais qui reste accessible. Récemment, j’ai vu le live de FKA Twigs à We Love Green et ça a été une énorme claque. C’est une personnalité très inspirante. Je trouve ça super intéressant qu’elle fasse de la pop qui sorte des normes.
- À lire aussi sur Tsugi.fr : We Love Green : FKA twigs, Charli et les autres|LIVE REPORT
De quoi parlent tes morceaux ?
Mes textes sont très introspectifs : je parle d’amour, de solitude, de mes obsessions… J’ai l’impression qu’ils forment des petites bulles dans lesquelles je me confie, mais que personne n’écoute vraiment. Même si j’écris des paroles, c’est la production qui compte le plus pour moi. Je considère les mots comme des sonorités à part entière. C’est aussi pour cette raison que je chante en anglais : ça me permet de me détacher de la signification.
Aujourd’hui, tu es totalement indépendante, est-ce un choix ?
Je n’ai pas de management pour le moment, même si j’aimerais en avoir un jour. Je n’ai pas non plus d’attaché de presse actuellement. Il y a un an et demi, je travaillais avec une boîte de booking, mais on a fini par se séparer. J’ai parfois l’impression que certains professionnels prennent des artistes, puis s’en débarrassent un an plus tard, sans réel accompagnement sur le long terme.
- À lire aussi sur Tsugi.fr : L’économie fragile des labels indépendants : Survivre en électron libre
Nous, les artistes, on est souvent très sensibles, et on débarque dans un milieu dominé par des experts du marketing. Il faut apprendre à composer avec ça si on veut que notre projet avance. C’est une question d’équilibre. Pour l’instant, j’ai envie de rester indépendante et d’attendre de rencontrer des personnes avec qui je sentirai une vraie connexion. Mon projet prend aujourd’hui une tournure plus électronique, donc j’ai envie de voir chez qui ça résonne le mieux pour m’accompagner ensuite.

Ton dernier EP, À la surface, date de 2024, il y a quelque chose en préparation ?
J’ai un EP qui sortira en 2026, et j’ai vraiment hâte. Il marque une nouvelle direction sonore et visuelle pour moi. Il sera très électronique, tout en gardant une structure pop. Le premier single, « Dreaming of You », devrait sortir fin janvier. J’en suis très fière : il montre à la fois le côté doux et planant de ma musique, tout en envoyant avec de grosses basses. J’ai hâte de le jouer tout à l’heure.
J’ai aussi un morceau qui sort le 21 novembre. Je l’ai produit d’une seule traite pendant une résidence, et il est très inspiré du travail de l’artiste Mietze Conte. Un petit label de musique électronique, Matière, m’a contactée pour participer à leur compilation de novembre. Je leur ai fait écouter ce titre, ils ont adoré — et il sortira donc sur leur compil’ ce mois-ci !
Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Je rêve de collaborer avec d’autres artistes, notamment à l’international, parce que beaucoup de ceux que j’écoute viennent de Copenhague ou de Los Angeles. J’aimerais aller voir ce qu’il se passe là-bas et y faire des rencontres.
Avec cet EP, j’espère attirer des personnes qui me ressemblent. Et surtout, j’aimerais trouver mon public et pouvoir jouer sur des scènes de plus en plus grandes !
Le mot de la fin ?
Mon parcours dans la musique n’a pas été simple : je n’ai pas reçu beaucoup de soutien. Mes parents m’ont toujours répété que la musique n’était pas un vrai métier. Aujourd’hui, je termine tout juste mes études de médecine. J’aimerais que des personnes engagées dans de longues études lisent cette interview et comprennent qu’il est tout à fait possible — et légitime — de rêver de devenir pop star, même en menant une autre vie à côté.