Éloi — Eloïse Leau de son vrai nom — s’impose comme un électron libre dans la musique française. Son parcours musical entre post-pop et électroclash défie toutes les étiquettes. Quelques mois après la sortie de son deuxième album, BLAST., nous avons pu échanger avec elle juste avant son concert sur la grande scène du Cabaret Vert.
Comment te sens-tu avant de monter sur scène ?
Je me sens bien, je suis un peu fatiguée, mais ça va aller. Je sais que j’ai une telle montée d’endorphine en général avant de monter sur scène que la plupart du temps, mon corps fait le travail, donc ça va.
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J’étais en vacances et je viens de rentrer à Paris et je pense que mon cerveau n’avait pas envie que je rentre à Paris, donc je me prends un contrecoup. Mais tout va bien se passer. Je suis prête à en découdre.
Tu as commencé par partager ta musique sur des plateformes comme SoundCloud, comment as-tu fait pour adapter ta musique au live ?
Ça s’est fait assez vite. Je suis montée sur de grosses scènes dès le début donc je n’ai pas eu le choix. J’ai très vite pu analyser quels étaient mes besoins et quelles étaient mes envies.
Ma première scène, je l’ai faite avec Mia, ma guitariste. Avoir un début d’équipe, ça permet de construire des ambitions de scène et de savoir plus facilement dans quelle direction on veut aller. Puis, petit à petit, ça devient plus simple de savoir ce que tu peux faire en lumière ou en son. C’est un chemin, ça s’apprend.
Justement, tu préfères le studio ou la scène ?
J’aime monter sur scène tout comme j’aime faire de la musique, mais ça reste très différent. Sur scène, ton projet continue à vivre avec toi et tu peux l’incarner. Il n’y a plus que l’écoute des gens seuls avec leurs écouteurs, il y a du partage.
On qualifie beaucoup ta musique de post-pop ou d’hyperpop, comment définirais-tu ton style musical ?
J’ai moi-même du mal à définir ma musique. Je pense que ça reste de la musique électronique, je travaille sur ordinateur. Et puis c’est un peu pop dans la voix, il y a des touches punk. En tout cas, je suis dans une écriture assez frontale. J’ai du mal à me donner un genre précis parce que dès que j’écoute quelque chose, j’ai envie de faire quelque chose de différent. Je n’ai pas envie de m’enfermer dans un genre, je pense.

Y a-t-il une cohérence entre la musique que tu écoutes et celle que tu produis ?
C’est très différent. J’écoute vraiment de tout. Je peux écouter de la musique d’il y a 60 ans, comme de la musique d’il y a 30 ans, comme des sons hyper récents, très niche ou très Gen Z. J’ai vraiment des playlists qui partent dans tous les sens (rire). En tout cas, j’ai une sensibilité très ouverte.
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Là, par exemple, tu es dans quelle période ?
Là, je suis dans un délire 60’s et 70’s. Pour mon anniversaire, on m’a offert un vinyle de Fleetwood Mac que j’écoute tout le temps. Si je te sortais ma playlist, tu verrais que c’est très varié. J’écoute du France Gall et des sons français des années 60-70.
Le fait que tu sois queer est souvent mis en avant dans les articles qui parlent de toi, ce n’est pas trop difficile d’être le porte-drapeau de ta communauté ?
Je ne fais pas grand-chose pour que les médias en fassent des tonnes. J’ai l’impression que je suis juste moi-même. C’est juste peut-être physiquement que les gens ont l’impression de voir une différence avec le début. Mais en soi, je me suis juste coupé les cheveux.
En tout cas, ce n’est pas le sujet noyau de ce que je raconte, mais forcément, juste par mon existence, c’est présent. C’est presque politique. Parfois, je trouve que c’est vraiment mis en avant alors qu’il y a d’autres sujets aussi à traiter par rapport à ce que je raconte, c’est un peu essentialisé.
As-tu l’impression que ça éclipse ta musique ?
Parfois, ça éclipse ma musique, mais c’est surtout dans les milieux hétéronormatifs qu’ils se focalisent sur ça et qu’ils le mettent en avant, pas dans le milieu queer. Dans le milieu queer, ce n’est pas un gros sujet. Après, je suis fière de ce que je suis.
Tu abordes beaucoup de sujets mélancoliques, mais sur des rythmes très énergiques, pourquoi ce paradoxe ?
Je ne sais pas, ça vient tout seul. J’ai du mal à être dans la légèreté, je pense. Même si dans mon dernier EP, il y a des choses sur lesquelles je me suis amusée, « Playstation » par exemple. Il y a des choses que j’ai voulu conceptualiser, c’est déjà un step ! Mais ça reste une écriture très intérieure. Je n’écris que pour raconter des choses qui me touchent ou qui me blessent. Après, je le mets sur des genres musicaux très divers, je n’ai pas envie d’adapter la musique aux paroles, ce n’est pas comme ça que je réfléchis.
Comment commences-tu à écrire une chanson ?
Souvent, j’ai déjà une espèce de rythme d’écriture en tête. Ou alors, je crée un début de musique sur mon ordinateur, je l’écoute en boucle et ça vient tout seul. Ça dépend vraiment, mais généralement, une fois que je suis lancée, ça coule tout seul.
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Ton dernier single, « Gender Bass Violence » est très électroclash, est-ce que tu veux aller davantage dans ce sens avec tes prochains sons ?
En tout cas, ça fait partie de ma palette. Je ne sais pas si ça veut dire que ma musique va devenir plus vénère. Je pense que ça varie beaucoup. Je ne voulais pas que ce soit dans la demi-mesure ni que ce soit trop triste ou trop mélancolique. Je voulais que ça tape.
C’était plutôt un exercice qu’une finalité en soi ou une envie d’aller dans cette direction. Et j’avais aussi envie de faire un truc qui était plus dans l’instrumental que dans la voix. Donc forcément, l’instrumental prenait plus de place. Je pense que ça donne l’impression que ça tape plus que mes autres morceaux. J’adore l’électroclash et j’avais très envie de faire ça. Sur la fin du morceau, j’ai vraiment poussé les curseurs au maximum.
Peut-on s’attendre à d’autres sorties bientôt ?
Je pense que j’ai davantage envie de travailler sur des singles et de chercher un peu ce que je veux faire. Je n’ai pas forcément envie de faire un gros projet tout de suite parce que j’en ai déjà beaucoup fait.
Donc, tu as encore des choses à explorer musicalement ?
Oui, je vais toujours explorer ! Je pense qu’il y a quand même un noyau sur tout ce que je fais. Mais j’ai envie de m’amuser, je n’ai pas envie de me cantonner à un style. Et puis, je progresse, j’apprends à faire de nouvelles choses, à utiliser de nouveaux outils. Entre Dernier Orage et BLAST., il y a quand même un écart de production.
Il y a tout de même un fil conducteur dans tout ça : l’écriture, la voix, les mélodies, les matières électroniques. C’est plus dans la précision, dans ce que je décide de mettre en avant ou pas, qu’il y a quelque chose qui change.
À quoi peut-on s’attendre sur scène ce soir ?
Une grosse gifle ! Non, mais on va bien s’amuser (rires). C’est un bon show, je l’aime beaucoup. Je trouve que musicalement, il est intéressant, il y a de quoi danser, de quoi se faire plaisir.
Tu as fait les Arts Déco, est-ce que ça t’aide pour la direction artistique de ton projet ?
Bien sûr. Ça m’a beaucoup aidée à avoir des repères visuels, à savoir ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Ça me donne un « œil » dont je me sers. Grâce à ça, je sais ce qu’il est possible de faire ou pas.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Que je fasse ce que j’aime. Que je sois contente. C’est une super conclusion !