Cabaret Vert 2025 : basses, larmes et maroilles | LIVE REPORT

par | 18 08 2025 | news, festival, live report

On nous l’avait promis, on ne nous a pas menti : Cabaret Vert est décidément l’un des festivals français les plus ambitieux. Dans son cadre bucolique niché au cœur des Ardennes, avec sa programmation hétéroclite et dense, et une ambiance à mi-chemin entre la teuf champêtre et la grand-messe alternative. On y a passé quatre jours qu’on n’est pas près d’oublier. 

Par Gil Martel et Bastien Laurent

Au Cabaret Vert, cinq heures du soir” : c’est de ce poème d’Arthur Rimbaud — natif de Charleville-Mézières — que tire son nom l’un des gros bonnets des festivals de France. Un choix qui lui correspond bien. Le poète détaillait les plaisirs trouvés dans ce fameux Cabaret ; le festival Cabaret Vert en reprend l’esprit, version contemporaine.

Durant quatre jours, la ville des Ardennes se transforme en épicentre pour tous les amateurs de musique, quelle qu’elle soit. Electronique, rock, dub, rap, stars internationales ou locales, la programmation du Cabaret Vert est aussi idyllique que son cadre. 

Grand-messe électronique

Cette année, le Greenfloor était une fois encore le cœur battant du festival. Le jour, on trouve devant cette scène des concerts rap qui laissent la place à des sets électroniques, une fois la nuit tombée. Comment vous dire… On y a passé un bon bout de temps — d’autant plus que c’était le seul endroit du festival offrant un peu d’ombre, alors que le thermomètre flirtait avec les 32°C les deux premiers jours.

C’est ici qu’on a assisté au set du Britannique Ahadadream. Si certains moments étaient franchement jouissifs — on pense à « Taka« , son célèbre feat. avec Skrillex et Prya Ragu — sa performance était assez inégale. On aurait préféré entendre les percussions qui l’ont rendu célèbre. À la place, on avait parfois l’impression d’être devant un set EDM, relativement interchangeable. 

À l’inverse, gros coup de cœur pour horsegiirL. Son set survitaminé a embarqué tout le monde. Et terminer dans une envolée de BPM sur un remix euphorique de “Just Dance” de Lady Gaga, c’est fort. Très fort pour la fête. Entendu à la sortie : “Elle était trop forte cette meuf”. Simple-efficace, on n’aurait pas dit mieux.

horsegiirL ©J.VONCK
horsegiirL ©J.VONCK

Plus de femmes derrière les platines ? Au Cabaret Vert, on a été servis. Si le dancefloor s’est quelque peu vidé à la fin du set de la DJ à tête de cheval, c’était pour mieux laisser place aux amateurs de techno, ravis de pouvoir s’exprimer librement sur la piste. Il était évident que sa techno avant-gardiste n’avait plus rien à prouver. Et comment ne pas citer Marion Di Napoli, qui, dès le premier jour du festival, a littéralement envoûté la foule avec sa techno mystique. La scène, au milieu des arbres, et les machines à fumée, ont largement contribué à cette atmosphère hypnotique. Aucune ne nous a déçus, bien au contraire. Dommage pour nous, on n’a pas pu assister à Belaria b2b Dylan Dylan, mais on en a entendu que du bien.

Seule déception dans le Greenfloor : le set de Sammy Virji. C’est linéaire, les BPM stagnent, pas trop de surprise… On commençait doucement à faiblir au bout de vingt minutes, alors qu’on attendait beaucoup de ce pro de l’UK Garage et de la bassline. Pour couronner le tout, un schtroumpf relou, déjà légèrement entamé (il était 21h30), ne cessait de nous donner des coups de coude en dansant. Pas notre meilleur moment.

Zinzineries sur Zanzibar

C’est Adèle Castillon qui a ouvert la scène principale, la bien nommée Zanzibar. Sous un magnifique coucher de soleil, elle alternait entre les succès de ses débuts avec Videoclub où chacun a pu chantonner le refrain, et une esthétique plus mature, lunettes de soleil et hyperpop électronique à la Charli XCX.

Pas de répit pour nous, puisque Eloi reprend le flambeau. Dès son entrée sur scène, elle l’annonce : elle est là pour donner de l’énergie. Un charisme assumé, du punk-rock aux couleurs 80’s, quoi de mieux pour accueillir la foule qui ne cesse de grandir ? Moment émotion à la fin avec sa reprise « jtm de ouf« , qui donne bien plus de profondeur au titre de Wejdene.

Eloi au Cabaret Vert ©FMAYOLET
Eloi au Cabaret Vert ©FMAYOLET

C’est à la nuit tombée, l’air pas tout à fait rafraîchi, qu’on a vécu notre moment le plus poétique à Cabaret Vert : le set de Jamie XX. Après avoir ouvert avec son groovyKILL DEM” — lors duquel une des enceintes a rendu l’âme — il a patiemment installé une ambiance euphorique. On naviguait entre house, disco et nappes de synthés. À vrai dire, il nous est difficile d’en parler, tant on était dans une autre dimension, partis en transe. 

Derrière lui, l’écran montrait la foule en train de danser, elle aussi perdue entre les kicks et les basses, grands sourires sur toutes les lèvres ; toute la beauté de la dance music. Une personne s’est mise à hurler de joie lorsqu’on retentit les premières notes de « Loud Places » cette magnifique phrase -samplée chez Idris Muhammad« I feel music in your eyes« . Beau moment, qui nous a mis les larmes.

Jamie XX au Cabaret Vert 2025 © Florent Mayolet
Jamie XX au Cabaret Vert 2025 © Florent Mayolet

Parmi nos coups de cœur du week-end : évidemment Zaho de Sagazan. En plus d’assister au set en compagnie de l’une de ses amies d’enfance (voir la fierté d’une copine en direct, c’est émouvant), on s’est entièrement lâchés sous ses injonctions à danser. Après une première partie ponctuée de ses tubes les plus émouvants (dont « La Symphonie des Eclairs » au plus près fans dans le public), elle a laissé tomber la chemise pour plonger les spectateurs dans une joyeuse transe collective. Comme la semaine dernière au Sziget Festival, où elle nous avait encore retournés. On a de nouveau versé une nouvelle larmiche. 

Zaho de Sagazan dans le public du Cabaret Vert ©FMAYOLET
Zaho de Sagazan dans le public du Cabaret Vert ©FMAYOLET

Dans la catégorie « claque qu’on n’avait pas vue venir », Vampire Weekend a aussi excellé. Sa tripotée de musiciens sur scène et ses titres solaires – on pense au désormais célèbre « A-Punk » mais aussi à l’élégant « Harmony Hall » – ont fait danser la foule comme jamais. On risque de s’en souvenir longtemps.

Nostalgie, quand tu nous tiens

Voilà un truc magique que seuls certains artistes arrivent à déclencher : le frisson régressif, la sensation d’avoir 15 ans de nouveau dans sa chambre. Sean Paul en est le roi. En un claquement de doigts, il a fait remonter le temps. Il enchaine ses tubes, de “Got 2 Luv U” à “She Doesn’t Mind”, passant par “Temperature”, “Cheap Thrills” et “Rockabye”. De retour à l’espace presse, on constate qu’on n’est pas les seuls journalistes à s’être fait embarquer par le show du chanteur de dancehall jamaïcain.

Dans un autre registre, mais avec le même effet madeleine, on a bien transpiré sur le set d’Alan Walker. Ses tracks EDM n’ont rien de subtil, mais ça fonctionne toujours. Il a ravi le public en terminant son set sur “Faded”, son tube, et une pluie de serpentins.

D’excellentes surprises

Cabaret Vert, ce ne sont pas seulement des gros noms en tête d’affiche, mais aussi une attention toute particulière portée aux artistes émergents.

C’est le rappeur ATØM The Storm qui avait la lourde tâche d’ouvrir le festival : mission réussie, avec brio. On a découvert la présence particulièrement charismatique de ce rappeur encore émergent, qui a su nous faire traverser la demi-heure sans s’en rendre compte. Si bien qu’à la fin, on répondait en chœur “THE STORM !” à ses “ATØM ??”. Membre du cru 2025 des Inouïs du Printemps de Bourges, le jeune rémois a tout pour devenir une superstar.

ATOM The Storm au Cabaret Vert ©A.MARTINEZ
ATOM The Storm au Cabaret Vert ©A.MARTINEZ

Belle (re)découverte, The Linda Lindas, groupe de punk teenager venu tout droit de Californie. Une énergétique explosive, et prêt à faire un doigt à toutes les formes d’injustice, avec beaucoup d’assurance.

Une attitude qui se conjugue avec l’humilité des musicienn.es. L’une des chanteuses remercie le public, partageant sa joie de pouvoir jouer en France (dont c’est la première date). Elle ponctue d’ailleurs l’une de ses interventions entre les morceaux d’un simple « I love music » — on est d’accord.

Pas (peu?) de repos pour les vaillants

Entre deux concerts, on a dégusté du Croqu’Maroilles — un des nombreux délices du Cabaret — et profité du Zion Club. Pas de grandes lumières ou gros effets sur cette scène, mais l’essentiel : trois gros caissons et des basses poussées à fond. Un soundsystem royal pour écouter de la dub. De quoi souffler et danser le sourire aux lèvres, en se laissant porter par les good vibrations. Mention spéciale à Asher Selector et ses « big up ! » noyés dans le delay.

Mais c’est sur la scène Razorback qu’on a assurément le plus transpiré, crié, pogoté. Gros kiff avec le rock insolent de Wet Leg, désinvolte et résolument punk. La chanteuse Rhian Teasdale sautait partout, sur les riffs déchirants de ses camarades musiciens. Moment de pur jouissance, quand tous se sont mis à hurler sur la scène, nous invitant à faire de même. Au cas où il nous restait un semblant de cordes vocales.

Moment très attendu de ce festival, la prestation des Irlandais de Kneecap, pour un rap engagé sur fond de beats crus. Ils ont fait crier “Free Palestine”. On a eu plaisir à voir le nombre d’artistes qui se sont positionnées pour les Palestiniens. Que ce soit The Last Dinner Party, Wet Leg ou ATØM The Storm. Et bien sûr, les punks anglais de IDLES, dont on a passé l’entièreté du concert (une heure quand même !) dans les pogos.

Peu mentionnés, mais on ne risque pas de les oublier : The Last Dinner Party et sa scénographie antique, l’énergie débordante de Le Juiice, la dreampop envoûtante de Suki Waterhouse, la fraicheur désordonnée de Candeur Cyclone, le closing techno-rap-kermesse de Trym et le live unique de Myd. Mention spéciale à Will Smith, qui a conclu le festival tout en mégalomanie (arrête de raconter ta vie mec), dans une grande fête so american et bien kitsch. Fallait juste mettre le cerveau en pause.  

Will Smith au Cabaret Vert © Florent Mayolet
Will Smith au Cabaret Vert © Florent Mayolet

On retiendra de cette édition la programmation monstre, ambitieuse et toujours prête à dénicher des pépites. Le cadre pensé comme un paradis au milieu des Ardennes et toutes les émotions que l’on a ressenti, de l’euphorie jusqu’aux larmes.

Entendu à l’espace presse : “C’est un des meilleurs week-ends de ma vie”. Franchement ? On peut clairement comprendre. 

Si on a achevé de vous convaincre, restez à l’affut pour la mise en ligne de la billetterie de l’édition 2026. On a ouï-dire que pour son 20ᵉ anniversaire, le festival se déroulerait une semaine plus tard que d’habitude. 

Meilleurs moments : Pour Bastien, les larmes sur Jamie XX et la béatitude du Zion Club.

Pour Gil, Zaho de Sagazan en live, sous un soleil rasant. 

Pires moments : Pour Gil, ça reste le public qui n’a quasiment pas applaudi à la fin du set de Jamie XX (les ingrats n’étaient là que pour DJ Snake). 

Pour Bastien, les poumons remplis de poussière qui ont fait cause commune avec ses allergies (il en éternue encore).

Par Gil Martel et Bastien Laurent