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Snoop au Hovefestivalen 2012 © Jørund Føreland Pedersen
10 août 2021

Snoop Dogg, son amour pour l’herbe transformé en stratégie pop

par Jean-Vic Chapus

Dans les années 1990, il vivait de gin, de juice, de récits de guerre des gangs à Long Beach, Californie, et d’un flow parfaitement en phase avec les synthétiseurs moelleux du G-funk. Puis, comme il est de coutume dans le rap game, des plus jeunes et plus affamés ont pris l’ascendant. Calvin Cordozar Broadus Jr, alias Snoop Dogg, a alors décidé de transformer son grand amour, celui pour l’herbe tendre, en stratégie pop. On ne devient pas « le chien qui fume » du rap sans un certain flair en matière de libre entreprise.

Article issu du Tsugi 142 : MUSIQUE & DROGUE, histoires stupéfiantes, en kiosque et en ligne.

En bas de l’écran de la chaîne CNN, un compte à rebours égrène les secondes. Depuis Time Square, New York, le journaliste star Anderson Cooper et son acolyte Andy Cohen assurent le direct pour le passage à l’année 2021. En duplex à Los Angeles, le rappeur Snoop Doggy Dogg, bientôt un demi-siècle au compteur, porte beau. Hoodie à capuche siglé aux couleurs de son premier, et plus fracassant, album Doggystyle, verres fumés, il se gratte la barbiche. Question: « Snoop avez-vous été défoncé sur le plateau d’un talk-show ou même lors d’un direct sur CNN? » Voix nasillarde et parfumée au THC, le chien est d’humeur électrique: « Oui, oui et encore oui. Dans l’émission de David Letterman, bien sûr, sur le plateau de Jay Leno, évidemment, chez (Jimmy) Kimmel aussi. CNN? Seulement devant les bureaux de la chaîne sur Sunset Boulevard, à Los Angeles…»

Parce qu’il faut bien marquer le coup du réveillon, Snoop reconnaît ensuite avoir eu pas mal de «visites en haute altitude» : durant une bar-mitsvah, au terme d’une cérémonie de circoncision. Lors d’une invitation à la Maison-Blanche également: « C’était à l’époque où un Président avec la même couleur de peau que la mienne était aux affaires. Au menu, il y avait des wings de poulet et des légumes. » Bientôt minuit. Pris d’un fou rire incontrôlé, Anderson Cooper est sorti du champ de la caméra. Andy Cohen, lui, écarquille les yeux à la manière d’un personnage de cartoon. Posture de stupéfiant clown bozo, Snoop joue sur du velours : « This is the Dog of all dogs we’re talking about Andy. »

Cameron Diaz et le chien

Comment devient-on l’officiel « chien qui fume» de la pop culture américaine? Comment sème-t-on quantité d’indices assez clairs sur sa gourmandise pour l’herbe fraîche tout en restant à bonne distance de l’apologie de la dope? Dans un premier temps en adoptant la démarche du crabe. En sachant également s’entourer d’un petit cercle proche relié à la culture de l’herbe. Parmi eux se trouve la fort célèbre Dina Browner, que le public américain affranchi connaît mieux sous le sobriquet de Dr Dina. Aucun diplôme de médecine pour cette ravissante brunette aujourd’hui quadragénaire. Par contre elle a vécu comme une épiphanie sa première taffe avec Calvin Broadus en 1990, à l’époque où il n’était pas encore Snoop, mais rayonnait de cool dégingandé: « Avec un sourire de renard, il m’a dit qu’il allait rouler un blunt. Je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était, mais je lui ai conseillé d’aller fumer derrière les buissons. Il m’a invitée à le suivre et quand il a allumé son joint, j’ai tout de suite pensé : “Oh mon Dieu, c’est de la weed, je vais aller en prison!” En voyant mon visage se décomposer, il s’est imaginé que j’allais aller le raconter. Pour éviter que je ne dise quoi que ce soit, il m’a fait fumer. C’était ma première fois. » Dix ans plus tard, la jeune femme découvre l’intérêt thérapeutique du cannabis en « soulageant » de quelques volutes un ami atteint d’un cancer, puis ouvre son premier dispensaire comme il en existe beaucoup sur les plages à corps bodybuildés de Long Beach.

Toujours proche de Snoop, elle fournit au rappeur ses prescriptions thérapeutiques en $ bonne et due forme quand le rappeur vient à manquer de son produit favori. En échange de ces services parfaitement légaux, le Chien lui donne des «Thank you Dr Dina» et se met à raconter dans la presse que son amie serait celle qui a inspiré le personnage de la «desperate housewife» dealeuse d’herbe Nancy Botwin, dans la célèbre série Weeds. Le star-system américain sait d’ailleurs rappeler, à intervalles réguliers, que l’image de marque de Snoop reste indissociable d’un gros nuage de fumée, tout comme celle de Willie Nelson du côté de la country ou des vétérans de Cypress Hill. 2011. Invitée du talk-show sur TBS présenté par George Lopez, l’actrice Cameron Diaz se souvient de ses années lycée à la Long Beach Polytechnic High School. À cette époque l’interprète de Mary à tout prix a acheté de l’herbe à un élève d’un an de plus qu’elle, « très grand, maigre avec une coiffure pleine de queues-de-cheval qui ressemblait quand même pas mal à Snoop Doggy Dogg ». Sommé de réagir au micro du même Lopez, le rappeur esquive d’un rictus : « Oh man, je ne suis pas certain de m’être déjà trimballé avec, dans mes poches, le genre de matos qui fait décoller les petites bourgeoises blanches. » 

La suite de l’article à lire sur le magazine Tsugi 142 : MUSIQUE & DROGUE, histoires stupéfiantes.

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