Après avoir fait le tour des promotions les plus wtf (quel est le f*ck), Tsugi vous propose de (re)découvrir la musique sortie en secret de vos artistes préférés. 

Dans un monde où les sorties musicales sont célébrées en grande pompe et leurs auteurs passés à la moulinette de la promotion, certaines bizarreries résident. Il existe des titres passés sous le radar, publiés en catimini sous des alias secrets par des artistes bénéficiant pourtant d’un nom. Les raisons divergent : volonté de s’extirper du cirque médiatique qui empêcherait la musique de n’exister que par elle-même, liberté créative permise grâce à l’anonymat ou encore occasion de s’aventurer vers de nouveaux styles. Petite liste non exhaustive de différents artistes qui ont utilisé l’anonymat pour produire leur musique.

Aphex Twin / user18081971 

Notre ami britannique ment sur à peu près tout : il composerait sa musique en phase de rêve lucide, il aurait gagné un concours de production à seulement 11 ans. Pire, il vivrait dans une banque parce que le coffre-fort offre une acoustique qui lui plaît. Mais Aphex Twin n’est pas qu’un gros mytho, il aime surtout brouiller les pistes, autrement dit, se jouer des médias généralistes qui veulent percer le mystère d’une musique, qui, pour lui, ne se parle pas, mais se vit. 

Pour brouiller encore plus les pistes, il s’invente au fil des années des pseudos : AFX, Caustic Window, Blue Calx, GAK, Power-Pill, Bradley Strider, Phonic Boy on Dope, The Tuss, des meilleurs et j’en passe. Un jeu du chat et de la souris qui prend une autre dimension avec SoundCloud. En 2015, le producteur publie plus de 200 titres sous le pseudo user1808197 (sa date de naissance). Rapidement, les gens comprennent que le producteur est aux manettes, s’amusant à publier puis enlever ses morceaux, créant ainsi un événement à chaque update

Drexciya (Gerald Donald) / Dopplereffekt

Dans les années 1990, Drexciya, duo composé de Gerald Donald et de James Stinson, révolutionne la techno de Detroit grâce à leur monde afrofuturiste issu directement des abysses. Le mystère propre à la culture underground de Detroit, qui veut mettre la musique en avant et l’ego en arrière, entoure ce groupe, très peu interviewé et photographié. Jusqu’à la mort de James Stinson en 2002, de nombreuses personnes ignorent l’identité ou le nombre de membres du groupe. Surtout qu’en parallèle, ils utilisent de nombreux alias pour sortir leurs propres projets. 

Parmi eux, Dopplereffekt, une entité germanique proposant une IDM électro-synthétique dans la veine de Kraftwerk. À la sortie de ses premiers albums, les rumeurs sont nombreuses. Le mythe est d’autant plus alimenté par de mystérieux alias crédités, comme un certain Rudolf Kreuzerger qui serait à la production de Fascist. Derrière cet énième pseudonyme, se cache en réalité Gerald Donald. Mais si tout le monde a réalisé avec le temps que le producteur est à l’origine de Dopplereffekt — accompagné maintenant de Nhan Le Thi —, nulle info de la composition exacte de la formation n’est officielle. Le  mystère continue d’être entretenu.

Paul McCartney & Youth / The Fireman

En 1993, Strawberries Oceans Ship Forrests, un album à la mystérieuse pochette rouge, paraît dans une confidentialité totale. Le disque, publié par un certain The Fireman, est composé de neuf morceaux électroniques aux riffs torturés, aux rythmiques breakées, parfois tribales. En réalité « le pompier », n’est autre que l’alliance entre le producteur Martin Glover, connu sous le pseudonyme Youth, et Paul McCartney

Avec cet alias, l’ancien membre des Beatles veut retrouver de la liberté artistique, ne pas s’enfermer dans les carcans qui seraient attendus de la part d’une des figures les plus éminentes de la pop. La supercherie sera révélée quelques mois plus tard par un journaliste de Melody Maker. Le duo sort un autre album, Rushes, toujours sous anonymat, puis Electric Arguments, en 2008, qui officialise pour de bon leur appartenance à The Fireman

Captain Murphy / Flying Lotus

En novembre 2012, le rappeur Captain Murphy donne son premier concert. Un événement live très attendu. En effet, cela fait quelques mois que le rappeur se joue du public. Ses débuts sur le morceau de Flying Lotus et Earl Sweatshirt “Between Friends” ont interrogé. Les hypothèses vont bon train : serait-ce Rejjie Snow, Tyler, The Creator ou encore MF Doom, derrière cette voix grave ? 

L’énigmatique Captain Murphy sort même un EP Duality. Les auditeurs commencent à comprendre. En réalité, c’est l’alias de Flying Lotus, un beatmaker connu pour son travail avec Odd Future. Le producteur a voulu sortir de sa zone de confort, et pour être jugé comme un rappeur à part entière, il s’est accolé le pseudonyme Captain Murphy

XTC / The Dukes of Stratosphear

Dans les années 1980, XTC est au plus mal. Le groupe de post-punk essuie les échecs commerciaux. Il faut revenir au plaisir, à l’envie de faire de la musique. John Leckie, producteur de leur premier album White Music, leur propose d’enregistrer un disque qui reprendrait les codes de la musique qui les a fait vibrer plus jeune : le rock psychédélique des sixties. Andy Partridge, Colin Moulding, accompagnés de Dave Gregory et de son frère Ian, enregistrent alors 25 O’Clock.

Cet album, réalisé avec des instruments des années 1960 et deux prises maximum pour chaque morceau, est publié sous l’alias The Dukes of Stratosphear. En effet, produire de la musique nostalgique serait mal vu pour un groupe de post-punk. Mais face au succès du disque, XTC en revendique finalement la paternité. Ils sortiront même un deuxième album deux ans plus tard avant de déclarer que le groupe est mort à cause d’un terrible “accident de sorbet”

Bonus track : Jean-Pierre Castaldi / Paul Martin 

Nous avouons avoir un peu triché pour cet exemple. “Le troublant témoignage de Paul Martin” n’est pas sorti dans le secret comme les précédents titres, il s’est plutôt imposé à lui. En effet, dans la longue liste des “ah bon lui il a sorti de la musique ?”, Jean-Pierre Castaldi ne fait pas partie des premiers cités. Et pourtant, que d’éloges devraient être adressés à ce morceau parlé-chanté, à la fois ringard et envoûtant. 

Pour vous la faire rapide, l’animateur de télévision endosse ici le personnage de Paul Martin, un imprimeur qui vit à Roubaix. Excédé par le travail harassant à la chaîne, il se met à voir une fille aux yeux oranges. Le titre, resté confidentiel en France, dépassera tout de même les frontières nipponnes puisque le DJ KZA en fera un remix acid. Une véritable pépite.