Quel vendredi ! Aujourd’hui, les pépites pleuvent sur le mont « Sortie de la Semaine » — sûrement l’influence karmique de We Love Green ce week-end. Des nuages venant hip-hop, des éclaircies du côté de la pop, un grand soleil au niveau de la musique éléctronique… la météo musicale de cette fin de semaine promet un grand nombre de surprises : Little Simz, Brian Eno & Beatie Wolfe, Bonnie Banane & Joseph Schiano di Lombo, Loane Coste, DCL VIII OFC, Odezenne, KX9000, Léonie Pernet, Nadah El Shazly, Big Dope P, Camille Yembé, Johsef, Vitess.
- Little Simz – Lotus
Comment se relever après une trahison ? Comment retourner au studio lorsque votre collabateur le plus proche, celui qui vous a aidée ) bâtir vos plus grand succès, à faire de vous l’artiste acclamée que vous êtes, vous vole 2 millions d’euros ? Comment garder ce feu et cette confiance en soi indispensable aux artistes populaires ?
Voici les questions que Little Simz s’est posée avant de se lancer dans l’écriture de son sixième album, Lotus. Et spoiler : aucune réponse strictement arrêtée n’est ici disponible. Il faut plutôt y voir un cheminement difficile, une longue renaissance, un apprentissage, celui de travailler sans aucune certitude.
Inflo, le filou en question, n’est donc plus de la partie. C’est Miles Clinton James qui prend sa place. Et forcément, Lotus n’as pas grand-chose à voir avec le carton Sometimes I Might Be Introvert (2021) ou No Thank You (2022). L’esprit est convié, la rage auparavant plutôt contenue totalement libérée, et les standards sonores de Littles Simz complètement balayés. Et puis la rappeuse la plus connue d’Europe n’y va pas avec le dos de la cuillère.
Le titre d’ouverture, « Thief » (« voleur » en français), est directement adressé à son ancien producteur, comme s’il était pris entre quatre yeux, comme le suivant (« Flood »), qui révèle plut^t les conséquences psychologiques d’un tel méfait supposé (selon la justice, le vol n’est pas encore avéré). Et voilà, après l’exutoire, le véritable départ de l’album, qui prend ses airs d’œuvre réparatrice, de processus de guérison passionnant.
Une chronique de Brice Miclet à retrouver en intégralité dans le numéro 181 du Tsugi Mag
- Brian Eno & Beatie Wolfe – Luminal | Lateral
Brian Eno, pionnier de l’ambient, producteur légendaire (U2, Bowie) et auteur de la musique de Windows 95, s’est récemment opposé aux activités de Windows à Gaza. Aujourd’hui, il s’associe à l’artiste conceptuelle Beatie Wolfe pour un projet double aussi subtil qu’engagé. Nés d’échanges autour de l’art et du climat — de Londres à SXSW — Luminal et Lateral incarnent deux faces d’une même quête : faire de la musique une matrice d’émotions.
Luminal déploie une dream pop vaporeuse, portée par des voix brumeuses et un optimisme diffus. Lateral, purement instrumental, revient aux nappes contemplatives chères à Eno, entre minimalisme et méditation. Ensemble, ils proposent une écoute en apesanteur, à la fois introspective et tournée vers le monde. Une œuvre bicéphale à la fois sensorielle, politique et profondément actuelle.
- Bonnie Banane & Joseph Schiano di Lombo – L’Orguasme
Il y a comme un symbole à voir. L’Orguasme paraître le même mois que la réédition des Églantines sont peut-être formidables (1980) d’Areski Belkacem et Brigitte Fontaine ; l’album le moins aimé de ceux enregistrés par le duo à cette époque, certes, mais celui qui parachève la démarche entamée sept ans plus tôt sur Je ne connais pas cet homme, celui qui assume une fois de plus ce goût de la fable poétique et politique dont Bonnie Banane revendique l’influence.
Une preuve ? On en a même deux : la reprise de « j’ai 26 ans », l’un des classiques de Fontaine, lors de la tournée de son premier album (Sexy Planet) et le spectacle Eux et nous, monté en 2023 avec Flavien Berger.
Ne restait plus qu’à transformer l’essai en studio, de préférence aux côtés d’un mélodiste capable d’offrir une résonance à chacun de ses mots. Le nom de Joseph Chiano di Lombo, qui a découvert l’orgue lors d’une retraite silencieuse dans un monastère, s’impose comme une évidence. Impossible, en effet, de ne pas saluer l’alchimie du duo, la façon dont il rend obsédant un album pensé comme un long poème paillard à deux voix, la modernité qui se dégage de cet Orguasme né de langoureuses embrassades entre la chanson et les ballades médiévales. […]
Une chronique de Maxime Delcourt à retrouver en intégralité dans le numéro 181 du Tsugi Mag
- Loane Coste – L’air de la nuit
Révélée sous son seul prénom, Loane se refait un nom en choisissant celui de sa mère. Un geste que l’on imagine forcément politique, tant son nouvel album, le quatrième de sa discographie, est un chant d’émancipation féminine.
Six ans après Alone, uen autoproduction débarrassée du joug des majors qui ont accompagné » ses débuts, l’artiste, signée chez l’indépendant Kwaidan, chante dans un souffle tendu, haletant, la surcharge mentale, l’abandon sous les néons, la pression à s’engager rapidement dans une relation, les situations d’inceste, les violences conjugales, la victimisation secondaire face aux classements sans suite… Et donne aux victimes, femmes et enfants, le courage de résister avec rage !
« Oui, ça pique d’y voir clair », lance-t-elle sur l’outro « Les Piscines ». Assurément. À l’image d’une nouvelle chanson française — guidée par Suzane, Mathilde ou Louisadonna — qui milite, dénonce, éduque avec une âpreté nécessaire et étrangement galvanisante.
Sans compromis, aucun, Loane Coste a convoqué les sonorités qu’elle aime et s’est trouvé allié en la personne de Joachim Gorrebeeck alias Taska Black. Pour y aller à fond vers une synth pop technoïde, qui mêle beats électroniques, boucles de synthés psychédéliques, ambiances brumeuses, basses étouffantes, arpèges délicats et mélodies contemplatives, brillamment arides.
Une chronique d’Alexandra Dumont à retrouver dans le numéro 181 du Tsugi Mag
- DCL VIII OFC – Echoes Of Resistance
Radio Slave est en très grande forme et chaque sortie de ses labels Rekids ou REK’D épate pour ses qualités dancefloor. Place ce mois-ci au Toulousain DCL VIII OFC, vu chez COD3 QR ou Sudbeat Music, pour deux titres directement inspirés des grandes heures de la techno de Detroit, « Motor City » et « Resistance », auxquels il applique une patine très moderne. Efficacité maximale.
Une chronique de Patrice Bardot à retrouver sur le numéro 181 du Tsugi Mag
- Odezenne – Doula
« Keskia ». Tout simplement un nouvel album Odezenne. Le trio bordelais qui flirte sans complexe entre rap, rock et chanson, impose depuis vingt ans un style unique : une musique « botanique, romantique et pathétique » – d’après leur bio insta – où rythmiques squelettiques et guitares décharnées s’entrelacent à une poésie urbaine ciselée.
Leur dernier album Doula perpétue cette alchimie, mêlant mélancolie brute et ironie mordante, comme un souffle d’espoir dans la noirceur du quotidien. Sans promo ni tapage médiatique, Odezenne explore les paradoxes de la vie — « la vie elle est belle et je rame » — avec une authenticité rare. Un disque d’automne qui débarque en été, pour bousculer les codes et toucher droit au cœur.
- KX9000 – Dream Log
Fournisseur quasi mensuel de bonnes vibrations house, le label parisien Pont Neuf Records explore avec cet EP cinq-titres du producteur français KX9000, le premier en deux ans, une palette beaucoup plus large. Il est question de funk spatial avec l’excellente ouverture « Tonight’s Ride », de digression funk piano house emballante (« Nuova Zone ») ou encore d’envolée guitaristique bien funky sur le mélancolique « Lost E Shop ». Très bon.
Une chronique de Patrice Bardot à retrouver sur le numéro 181 du Tsugi Mag
- Léonie Pernet – Poèmes pulvérisés
« Comment vivre sans inconnu devant soi ? » Vertigineuse phrase écrite entre 1945 et 1947 par René Char dans son recueil Le Poème pulvérisé, récitée par Léonie Pernet en introduction de son troisième album, dont le titre n’est d’autre que Poèmes Pulvérisés, version pluralisée de cette même œuvre. Ce vers est en fait le point de départ d’un voyage initiatique vers les origines de la musicienne, qui est récemment partie à la découverte de sa famille paternelle vivant au Niger.
Léonie Pernet continue de lire « Les hommes d’aujourd’hui veulent que le poème soit à l’image de leur vie, faite de si peu d’égards, de si peu d’espace et brûlée d’intolérance« . Elle met alors l’accent sur le poids des mots, sur les illusions qu’ils charrient, et sur le pouvoir qu’ils offrent.
Combattre les incertitudes, c’est combattre avec les mots, et, en cas de victoire, la garantie d’infliger une défaite terrible aux garants du langage. Léonie Pernet, sur ce nouvel album, combat. Il est très certainement le plus poétique de sa discographie. […]
Une chronique de Brice Miclet à retrouver en intégralité dans le numéro 181 du Tsugi Mag
- Nadah El Shazly – Laini Tani
Depuis ces groupes punks du Caire, Nadah El Shazly s’est aventurée vers les contrées intrigantes de la musique expé. Entre le Canada et l’Égypte, elle éprouve, pratique les sonorités de ses synthés pour faire éclore une belle fleur musicale, Laini Tani, dans des eaux peu connues.
Elle y fusionne le mawal — trésor égyptien de la chanson lyrique et libre — et l’électronique métallique et mystique. Aucune indigestion, juste la satisfaction de découvrir une proposition sonore inédite. Tantôt théâtre, tantôt groovy. Parfois déchirant, souvent planant. Laini Tani, c’est le journal intime d’une femme loin des siens. Et c’est très réussi.
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- Big Dope P – Boogie Bass Traxx
BIG DOPE P, parisien aujourd’hui installé en Angleterre, co-fondateur de Movel Traxx et activiste de la ghetto house depuis 2007, peaufine sur Boogie Bass Traxx l’art de produire des morceaux à 160 BPM.
Sur ces nouveaux uppercuts club, ça suinte le juke, le footwork et la ghetto tech. Les basses sont bien grasses et le groove haché, pour cinq tracks terriblement sautillants. L’ombre des battles plane, les claps claquent comme des sneakers sur un parquet, et chaque drop file droit au plexus. Inspiré par les nuits fiévreuses du 160 Unity, Dope P rend hommage à la scène, aux légendes, et surtout à cette idée simple : Get It Poppin’. On n’en demandait pas moins — on en veut plus !
- Camille Yembé – Plastique
À 24 ans, la Bruxelloise Camille Yembé pose avec Plastique une évidence : on n’est pas prêt·e·s de l’oublier. Autrice de l’ombre auprès d’autres artistes (Tiakola, Eva Queen ou Stefi Celma), elle inscrit avec ce premier EP son nom sur la liste des artistes à suivre.
Cette première rencontre avec l’artiste est une mise à nu par les mots et un élan de rage porté par les prods. Ses morceaux sont aussi bien taillés pour le club que pour faire valser les cœurs. Ses thématiques sont aussi Gen Z qu’universelles. Elle annonce dans ses textes : « J’en veux encore ! ». Chose dite, chose faite : on ne risque pas de la voir disparaître..
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- Johsef – Polaroïd
Johsef, de son vrai nom Therry, ancien photographe originaire d’Essonne a changé de cap à 23 ans. Après plusieurs années dans un studio photo parisien, il se lance corps et âme dans le beatmaking, avec le soutien de Jean-Charles Carré, célèbre associé de David Guetta. Pendant une décennie, il collabore avec les plus grands noms de la scène francophone, notamment au sein du duo LNT Musik, avant de se réinventer en solo.
Ce premier album révèle un univers introspectif au carrefour de l’électronique et du rock alternatif. Sa signature : la douceur d’une voix feutrée qui percute la puissance de productions brutes, un son qui marque une entrée en matière aussi sincère que percutante.
- Vitess – Curated Sounds
Sur Houseum Records, Happiness Therapy, Normandy Records, Pulse Msc, Terrafirm, Chat Noir Distribution, vous avez sûrement déjà croisé le nom de Vitess… ou peut-être un autre. Roi du pseudonyme, il élargit régulièrement son spectre musical sous les noms de Vytamin, Grand V ou Flamant Rouge. Mais c’est sous Vitess qu’il sort un nouvel EP taillé pour le club avec Curated Sounds.
Complètement power house, un peu breakbeat et surtout tech house, il sort sur ce nouveau projet trois titres qui n’ont rien de vulgaire. Bien senti, soupesé, le groove est là. Vitess vient sûrement de sortir quelques titres phares pour les soirées de cet été.