Retour sur sept bandes originales qui ont été composées par des artistes venant du monde des musiques électroniques.

C’est annoncé depuis quelques jours, c’est Charli XCX qui signe la bande originale du prochain film d’Emerald Fennell, Hurlevent (2026). En découlera d’ailleurs son prochain album, Wuthering Heights, dont deux premiers morceaux sont déjà en écoute. Ça nous a donné envie de revenir sur les bandes originales composées par des artistes dont on adore parler sur Tsugi.fr. Alors, voilà le travail.

Virgin Suicides – AIR

On ne peut pas parler de bandes originales sans mentionner celle de AIR pour Virgin Suicides (1999), le premier film de Sofia Coppola. L’histoire raconte d’ailleurs que Jean-Benoît Dunckel, Nicolas Godin et leurs synthétiseurs seventies ont ouvert la porte à bien d’autres producteurs en liant encore un peu plus musiques électroniques et septième art. Et en même temps, on le comprend : le terrain de jeu était beau. Virgin Suicides explore l’adolescence tout en nuances : clair, obscur, sororité, dépression, amours naissantes, mort, bal de fin d’année, chambre confinée…

À travers le récit des cinq sœurs Lisbon, AIR a composé une BO contrastée à la fois sombre, douce, fantomatique et expérimentale, qui leur a permis de rompre avec la lumière de leur premier album, Moon Safari (1998). Mais il en ressort tout de même un tube finement pop, le fameux « Playground Love » — qui sent bon les « highschool lovers » —, incarné par l’énigmatique Gordon Tracks, alias Thomas Mars, chanteur du groupe Phoenix. Résultat des courses : le duo iconique de la French Touch a pu délivrer l’un des meilleurs disques de sa carrière, remporter une Victoire de la Musique de « La meilleure musique de film » en 2000 et se lancer aux États-Unis. La suite, vous la connaissez. Drop the mic.

Berlin Calling – Paul Kalkbrenner

On change d’ambiance et on succombe à l’appel de Berlin. Ou plutôt à Berlin Calling (2008), long métrage signé Hannes Stöhr, racontant la descente aux enfers d’Ickarus, un DJ star qui s’est brûlé les ailes. Oui, le nom est bien trouvé. Tout cela sur fond de nuits berlinoises entre Friedrichshain et un hôpital psychiatrique fictif. Il fallait forcément que la bande originale soit électronique. C’est donc au DJ et producteur Paul Kalkbrenner que le réalisateur a offert cette mission. Et bien plus encore.

Au fil de leurs échanges, Hannes Stöhr a perçu en lui les traits de son personnage principal. Paul Kalkbrenner est donc devenu Ickarus le temps d’un tournage, une sorte d’alter ego toxique à qui il s’est identifié, mais auquel il ne voudra jamais ressembler. La BO, à l’image de son interprétation, est exceptionnelle. On y retrouve du field recording — notamment les bruits du métro berlinois dans « Train » —, des sonorités profondément club, des mélodies planantes à travers le hit« Sky and Sand » et des morceaux iconiques comme « Revolte », qui nous renvoie directement à une des meilleures scènes du film. À voir juste en dessous !

À plein temps – Irène Drésel

En 2022, la productrice française Irène Drésel signe la bande originale du film À plein temps d’Éric Gravel. Un coup du destin. Si elle échoue à l’audition — un autre profil est sélectionné à sa place —, le réalisateur la rappelle quelques mois plus tard. Il lui restera un mois et demi pour composer ce qui lui fera remporter le César de la « Meilleure musique originale » à partir des images du film. Elle devient alors la seule femme compositrice à avoir reçu cette distinction dans toute l’histoire de la cérémonie.

Voilà le décor : Julie, interprétée par Laure Calamy, élève ses deux enfants à la campagne tout en travaillant dans un grand palace parisien. Tout vacille lorsqu’elle décroche un entretien pour le poste de ses rêves et qu’une grève des transports éclate. Un thriller du quotidien, une course effrénée mise en musique par Irène Drésel où elle joue avec la redondance. On retrouve des notes de synthés très répétitives illustrant le rythme cardiaque de Julie, des plages sonores stressantes… L’immersion est réelle.

Les Olympiades – Rone

En 2021, Rone comptait déjà à son actif une bande originale en tant que compositeur. Et pas n’importe laquelle : celle de La Nuit venue — film réalisé par Frédéric Farrucci —, qui lui fera remporter le César de la « Meilleure musique originale ». Quelques semaines avant de recevoir le prix, c’est Jacques Audiard qui le contactait pour qu’il compose la musique de son nouveau film, Les Olympiades. Défi de taille, mais accepté par le compositeur passé par des études de cinéma.

Les délais étant très courts, Rone s’est isolé en studio et a choisi de construire la musique en direct, à partir des images du film projetées sur grand écran. Le résultat ? Une aventure sonore urbaine qui nous propulse au cœur du quartier des Olympiades dans le 13e arrondissement de Paris. Parfois planante, parfois spasmodique, cette bande originale altère tous nos sens.

Bande de filles – Para One

Le producteur — diplômé de la Fémis — s’est illustré en tant que compositeur de bandes originales à de nombreuses reprises. Notamment sur cinq films de la réalisatrice Céline Sciamma, comme Bande de filles (2014) ou encore Portrait de la jeune fille en feu (2019). Le dernier long métrage en date pour lequel il a composé de la musique n’est autre que le biopic de l’artiste féministe Niki de Saint Phalle de Céline Sallette.

Mais concentrons-nous sur Bande de filles, qui lui a valu une nomination pour le César de la « Meilleure musique originale » en 2015. À la fois électronique et orchestrale, la musique de Para One revient comme un thème saccadé dans ce récit initiatique. Elle suit l’évolution du personnage principal, Marieme, joué par Karidja Touré.

Lucky – Agoria

Il y a plusieurs choses pour lesquelles le DJ et producteur lyonnais est connu : son morceau « La Onzième marche », son premier album Blossom, la cocréation du festival Nuits sonores à Lyon, son premier label InFiné, mais aussi son second, Sapiens Records, ou encore sa participation à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024 parmi de nombreux DJs. Mais pas seulement : Agoria est aussi reconnu pour ses bandes originales.

Il a pu accompagner musicalement les films de Olivier Van Hoofstadt — réalisateur du film Dikkenek et Jan Kounen. Un des derniers en date, c’est la comédie Lucky (2020), dont on a déjà parlé sur tsugi.fr. Au menu ? Des morceaux à part entière prenant à la fois à la musique électronique underground et à la pop.

Bonus : Metropolis – Jeff Mills

Celle-là est technique. Jeff Mills, DJ et producteur fondateur de la techno de Detroit, voue une passion pour le film futuriste du réalisateur allemand Fritz Lang, Metropolis, sorti en 1927. Il voue une telle passion pour ce long métrage qu’il en a composé la bande originale non pas dans une, mais dans trois versions différentes, en 2000, en 2010 et en 2023.

Le film est une dystopie dans laquelle la ville de Metropolis devient le siège de la lutte des classes et où un androïde mène les ouvriers vers la révolte. Ça se passe en 2026, une année pas tellement futuriste de nos jours. Au fil de ses réinterprétations, Jeff Mills prend en compte la temporalité de l’intrigue et n’hésite pas à utiliser des éléments sonores modernes, tout en gardant des thèmes musicaux industriels montrant l’omniprésence de la machine.